On ne pouvait que retrouver le style bien volontiers foutraque et artisanal bricolé de Michel Gondry à travers ce qui est un portrait de cinéaste un poil autobiographique. Un cinéaste complètement barje, ayant dix mille idées à la seconde, fatiguant et usant un entourage familial et un entourage professionnel de fidèles, malgré lui, pour tenter de les faire entrer dans ses délires. Parfois, on est dans le grand n'importe quoi, comme filmer une seule et même fourmi noire pendant deux jours, obsessionnellement. Parfois, l'ingéniosité des trouvailles ne peut empêcher une poussée d'admiration comme pour le "camiontage".
Bref, on suit Marc, alter-ego attachiant de Michel, qui se réfugie au fin fond des Cévennes chez sa vieille tante, avec trois de ses fidèles, pour pouvoir compléter son film comme il l'entend. Et on suit son point de vue, ou plutôt, on devine son évolution psychologique par l'intermédiaire d'une voix-off à la première personne, lorsqu'il a recours à l'écriture d'un "livre de solutions".
Est-ce que Michel Gondry n'est pas un peu trop complaisant envers lui-même avec Marc ? Peut-être (après tout, dans son détraquement, il pense un moment à coucher avec sa tante... euh… !)", mais vu la carrière qu'il a eue en France et de l'autre côté de l'Atlantique, difficile de ne pas croire, que contre toute vraisemblance, il parvienne régulièrement à certains de ses objectifs insensés comme son protagoniste (la séquence brillante d'ingéniosité avec l'orchestre, celle avec une célébrité en caméo dont je tairai le nom pour ne pas spoiler !).
Si je regrette que le personnage-Némésis de producteur-traître, incarné par Vincent Elbaz, ainsi que le love interest (d'autant plus que ce dernier permet une amélioration conséquente de l'état mental de notre cinglé et que Camille Rutherford est très bonne dans le rôle !) ne soient pas plus approfondis, donc plus incorporés dans les ressorts du portrait chaotique d'un être chaotique, autour de Pierre Niney, à l'aise dans le registre lunaire, Blanche Gardin réussit à apporter un contrepoint sarcastique, en monteuse fidèle en dépit de tout, Frankie Wallach, un contrepoint pragmatique, en assistante fidèle en dépit de tout, et Françoise Lebrun (pas loin de voler la vedette à tout le monde !), une grosse dose d'émotion en tante affectueuse en dépit de tout.
En résumé, Le Livre des solutions est un autoportrait émouvant sur une personnalité qui parvient à être touchante, tout en étant régulièrement énervante. Mais, il faut bien dire ce qu'il est, la sincérité humaine de l'artiste (oui, on se perd entre le vrai et la représentation !) et le savoir-faire de ce dernier poussent à l'aimer.