Le Livre des solutions s’affirme comme l’une des œuvres les plus personnelles de son auteur, transposant le trouble bipolaire découvert pendant tournage de L’Écume des jours et la retraite qui a suivi à la campagne de sorte à universaliser ce temps de crise perçu par l’artiste comme l’expression la plus complète de son activité (truchement esthétique), et par la tante comme les signes préoccupants d’une maladie (truchement scientifique). La relation chaotique entre le personnage de Pierre Niney, Marc, et le reste de son équipe traduit à la fois un déséquilibre mental ainsi que la nécessité de faire autrement, d’entraîner ses fidèles collaborateurs dans un voyage aux confins de la folie : cris, sautes d’humeur, caprices et lubies – acheter une vieille bâtisse délabrée pour l’offrir à sa monteuse, créer un « camiontage », soit la parfaite rencontre entre un camion et une salle de montage, se demander si l’amour physique pourrait être une façon de remercier sa tante septuagénaire, etc. – comme autant d’expressions physiques d’un élan intérieur constamment à l’intersection entre le coup de génie et la mauvaise idée.
Michel Gondry se plaît à réviser la grammaire classique du cinéma, propose le palindrome comme structure de récit, l’intermède en fond blanc comme pause technique aux spectateurs, l’insertion d’un court métrage sur un renard qui, après avoir été renversé par une voiture, décide d’ouvrir un salon de coiffure où personne hélas ne vient. Une image revient plusieurs fois, celle du trou – toilettes, feuille d’arbre puis de papier, siège – qui métaphorise le processus de descente vers soi sous forme d’une chute brutale au terme de laquelle naît et s’épanouit la vie. « Tout a commencé par un trou dans une feuille », affirme Marc. Disparaître et tout recommencer, en somme, lorsque l’œuvre a atteint sa maturité et a quitté son arbre pour choir sur le sol de la réception publique et critique. Soit la rencontre entre une épreuve singulière et la destinée universelle de l’œuvre d’art. Tout cela pris en charge par une forme en perpétuelle réinvention que dynamisent des comédiens talentueux et un sens de l’autodérision appréciable.
Quelques trouvailles restent en mémoire après projection, à l’instar de cette séquence de composition musicale en direct, où le corps de Marc guide l’orchestre et remplace toute partition. Une réussite.