À l’instar d'autres humoristes comédiens tel que Will Ferrell et Chevy Chase, Andrew Dice Clay a connu son heure de gloire à la fin des années 80, début 90, faisant plusieurs apparitions remarqués dans le Saturnay Night Live, remplissant le Madison Square Avenue par deux fois. Son fond de commerce à lui se situe dans l’humour misogyne, agressif et ordurier, une sorte de Ragnar le Breton ou de Bigard avant l’heure. Mais sa chute a été rapide en raison du caractère sexiste et homophobe de certains de ses sketchs de stand-up et de quelques controverses de pacotille si bien qu’il est rapidement devenu indésirable aux yeux de la presse journalistique et alors que sa carrière au cinéma commençait à peine à décoller après avoir joué dans Ford Fairlane: Rock'n Roll Detective de Renny Harlin. Il ne reviendra donc qu’en 93 sous la direction d’Albert Pyun qui sortait alors des tournages de Knights, et Arcade. Une année plutôt prolifique pour l’intéressé qui après s’être compromis avec le mésestimable Captain America s’était néanmoins retaillé une jolie réputation suite au succès de Nemesis. Il est clair que Le Lotus Rouge est une faute de goût assumé, un nanar volontaire comme l'atteste son introduction où le personnage principal brise le quatrième mur. Le film sera ainsi caviardés de beauferie totalement assumé (la ringardise du héros et son look de loubard, la mort du méchant accompagné d’un bruit de chasse d’eau) et la déchéance de son acteur principal reflète assez bien la personnalité de son personnage, un fier à bras au charisme de phacochère qui tire son surnom (Brain Smasher) de ses qualités de cogneur hors pair. Mais sa vie est sur le point d’être toute chamboulée lorsqu’il va faire la rencontre de Samantha Crain, une mannequin qui va se réfugier dans sa boîte de nuit pour échapper à une cohorte de moines shaolin qui cherchent à récupérer une fleur de lotus rouge qui selon la légende permettrait à celui qui la mange de devenir le plus grand et le plus puissant des Fu Manchou. Une histoire pareille ça ne s’invente pas, excepté pour les personnages secondaires qui vont tous la traiter de cinglé.


« Les nanas m’adorent, j’ai du charme, de la classe, du charisme, j’ai même mis un miroir au dessus de mon lit comme ça je peux me voir dès que j’ouvre un oeil » _ Ed Molloy


Le Lotus Rouge n'est pas seulement un véhicule promotionnel pour sa tête d'affiche, c’est aussi le Big Trouble in Little China d’Albert Pyun sans Kurt Russel, sans les effets spéciaux et le cinémascope de John Carpenter. Il s’agit pourtant du format de prédilection de l’hawaïen, mais pour une obscure raison, il a préféré tourner celui-ci en 1:85, recadré en 4/3 pour son édition DVD ce qui peut parfois gâcher la lisibilité de certains combats même si le réalisateur n’a clairement pas pour ambition de livrer un film de kung-fu. Les ninjas (« NOUS NE SOMMES PAS DES NINJAS! ») se contenteront surtout de sauter dans tous les sens et le Brain Smasher de les pulvériser à coup de poing puisqu’il n’a pas son égal pour faire de la purée de litchi et enfoncer des portes avec la grâce d’un Caterpillar. Tout repose essentiellement sur le cabotinage et le comique de situation mais les séquences d’action manquent clairement d’ampleur pour nous rester en mémoire. Le film a néanmoins coûter la bagatelle de 4,5 millions de dollars ce qui est beaucoup au vu du résultat qui manque clairement d’excentricités. Le cinéaste nous avait quand même habitué à mieux pour moins que ça, que ce soit du côté de la Cannon (L’Epée Sauvage, Aliens from L.A.) que durant la suite de sa carrière avec sa propre société de production (Filmwerk) où il disposait parfois de budget dérisoire voir anémique pour mettre en boîte ses projets (Nemesis 4, Crazy Six, Omega Doom).


« Comment sais-tu que ce sont des chinois ? Ce sont peut-être des japonais, ou des vietnamiens, ou des coréens ou des martiens ! » _ Les enquêteurs Black et Brown


Les personnages sont donc caractérisés à l’excès, la top modèle sexy, fougueuse, riche mais naïve (elle croit porter une rolex à 10 000$), les ninjas (« NOUS NE SOMMES PAS DES NINJAS! ») affublés de masque échangiste, ou bien le videur de boîte zélé qui agresse tous les mecs bourrés qui chercherai à rentrer comme s’il se sentait investis d’une mission sacré comme Gandalf tentant de bloquer le pont de Durin en clamant « you shall not pass ». On connaît bien le genre, fort avec les faibles, faible avec les forts, un peu comme le PSG. Sa profession il l’exerce par conviction depuis qu’il s’est pris une canette en pleine poire lorsqu’il été adolescent, (« si j’assomme des gens , c’est pour qu’ils se tiennent tranquille […] et puis je suis très fier du boulot que je fais» dixit l’intéressé). Evidemment la jouvencelle en détresse finira par tomber sous le charme de buffle de cet odieux personnage (« je ne trouve pas ça bien d’abuser d’une fille qui est mentalement dérangé » en dira son paternel) bien qu’il n’est pas grand-chose pour lui, pas même son sens de l’humour qui se limite bien souvent à des blagues racistes ou misogyne. On a beau préférer celle sur les arabes, celle sur les jaunes ne sont pas mal non plus (« le kung-fu est un sport de fillette réservé aux bridés » ; « j’adore les arts martiaux, j’ai vu tous les films de Chuck Norris »), et puis eux ne font pas tant d’histoire. Si on considère que Big Trouble in Little China avait souffert de quelques controverses 7 ans plus tôt pour sa représentation stéréotypés de la culture asiatique, celui-ci aurait probablement pu offenser la communauté s’il n’avait pas directement été relégué à une sortie vidéo. En tout cas, on sent bien que les doubleurs français se sont fait plaisir avec des répliques mordantes (« à vu de nez, je crois qu’il est cassé » ; « et ta sœur ce ne serait pas l’Indiana Jones de la botanique ? »), ce qui devrait faire plaisir aux nanarophiles en quête de pochades délirantes et de punchline.


« Mais enfin chéri... les ninjas sont japonais alors que ces messieurs parlent le chinois ! »_ Dad Malloy


Dans son discours, le film ressemble parfois à un plaidoyer de son principal interprète qui semble nous infliger un bon vieux cour de morale du genre « on ne juge pas un livre à sa couverture, » ou bien « un homme se définit avant tout par ses actes ». Une manière fine et subtile de dire aux journaleux que derrière son comportement de gros lourd maladroit, il y a un homme droit et intègre, un héros au grand coeur et à l’humour désopilant («  je suis pas un homme de Néandertal, je suis un gros mignon »). Brion James et Tim Thomerson sont également de la partie dans la peau de deux enquêteurs tout aussi beauf et lourd que lui puisqu’ils préfèrent penser que la centaine de témoins ayant vu les ninjas dévastés tout un club (« Pour la dernière fois, nous ne sommes PAS, des NINJAS ! ») sont tous victime d’une hallucination collective dût à une soirée un peu trop arrosé plutôt que de croire un seul instant que les suspects puissent simplement dire la vérité. On aura donc le droit à l’éternel interrogatoire musclé et aux blagues lourdingues du type « ils ont coupés le standard, vous croyez que c’est un coup des ninjas ? ». Evidemment les forces de l’ordre vont en perdre leur latin lorsque les guerriers vont retourner le commissariat et stopper les balles de 9 mm avec la paume de leur main. Teri Hatcher joue le jeu de son côté, d’autant qu’elle commençait seulement à devenir une comédienne de premier plan grâce à la série Lois & Clark Les Nouvelles aventures de Superman. Elle jouera quelques années plus tard dans Demain ne Meurt Jamais, même si elle est surtout connu de nos jours pour son rôle de Susan dans la série Desperate Housewives. En tout cas, ce n’est pas avec Le Lotus Rouge qu’Andrew Dice pourra réhabiliter son nom auprès de la presse puisque sa traversée du désert va durer environ 20 ans avant que des réalisateurs tel que Woody Allen (Blue Jasmine), Paul Lynch (No Contest) et Bradley Cooper (A star is born) ne daigne braquer leurs projecteurs sur lui.


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le 25 juin 2024

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