Avec le temps, les films à effets spéciaux se parent d’une patine à la saveur singulière. On peut aujourd’hui savourer ce film de John Landis comme on le ferait avec le stop motion du King Kong originel : en s’enthousiasmant de défi technique pour l’époque, de la technicité des illusionnistes de leur temps et leur quête jamais rassasiée d’imprimer sur pellicule la matière de leur imaginaire.
En se frottant au mythe du lycanthrope, Landis, qui sort du hit des Blues Brothers et enchaînera avec Thriller pour Michael Jackson, prend soin de ne se refuser aucune limite, toute en peaufinant l’écrin pur british de son intrigue. Le prologue nous embarque ainsi dans une campagne on ne peut plus folklorique, avec Pub en vrai bois et trognes tout aussi authentiques du local qu’il ne faut pas emmerder dans son protocole alcoolisé, milieu à tailler à la serpe dans lequel le yankee de service va forcément y laisser des plumes, ou, devrait-on dire, son insouciante part d’humanité.
Passé le trauma originel, le récit prend son temps pour rendre possible un retour au monde par l’entremise d’une infirmière toute disposée à ragaillardir notre patient, laissant le surnaturel prendre tranquillement et progressivement ses marques, notamment au gré d’une bande originale aussi cruelle que mélodieuse, décline tous les titres imaginables contenant le terme « moon ».
Le charme provient donc de cet habile mélange d’humour, de provocation, aussi (le cinéma porno joue un rôle non négligeable, les dialogues s’enrichissent de fucks récurrents) et d’épouvante qui donne une vraie chair à ce personnage qui va voir la sienne soumise à rude épreuve.
Car lorsqu’elle advient, l’horreur prend toute la place. A la faveur d’une belle poursuite dans le métro, toute en caméra subjective se jouant des goulots et escalators dans les mouvements fluides de la bête, et d’une métamorphose intégrale, clou d’un spectacle où l’on donne surtout à voir la souffrance d’un corps qui se déchire, craquant et explosant sous les hurlements de douleur et de rage naissante.
La ville entière devient un terrain de jeu macabre, jusqu’à un carambolage assez jubilatoire, sans que le plaisir du frisson ne vienne pour autant édulcorer la dimension tragique de ce conte noir. Des landes obscures aux impasses minérales de la ville, l’amour lui-même fait bien pâle figure face à la lumière opalescente de l’astre funeste.