Dur de critiquer un film qui date de quelques décennies ? Alors, qu’est-ce que ça doit être quand le long-métrage est aussi vieux que Le Magicien d’Oz (1939) ! Surtout à notre époque, où les films américains ne marchent plus qu’aux effets numériques qui pullulent à l’image et qui, pourtant, reviennent aux œuvres d’antan. Dont le récent Le Monde Fantastique d’Oz, prequel du film qui nous intéresse ici (avec un écart de 74 ans entre les deux longs-métrages !). Et pourtant, vous allez voir qu’un vieux film n’est pas forcément démodé, ayant tout ce qu’il faut pour se placer bien au-dessus des multiples produites dérivés qui en découlent.

Le Magicien d’Oz est avant tout un livre pour enfants, que la Metro-Goldwyn-Mayer avait longtemps désiré, sans jamais arrivé à un quelconque accord pour obtenir les droits d’adaptation. Il a fallu qu’arrive Walt Disney et son célèbre Blanche-Neige et les Sept Nains pour pousser les producteurs à s’inspirer de la réussite et à acquérir les fameux droits tant convoiter. Tout semblait aller sur des roulettes jusqu’à ce que le projet connaissent l’un des défilés de scénaristes les plus importants de l’histoire du cinéma (14 scénaristes ayant collaboré sur le projet, dont seulement 3 sont crédités au générique). Même constat pour le poste de réalisateur, décerné officiellement à Victor Fleming (qui s’occupera de la même année d’Autant emporte le vent), mais qui était réellement occupé par 4 personnes, au total. Un charivari de taille, alors qu’il ne s’agit que d’un simple conte pour les plus jeunes !

Le film (tout comme le livre) raconte le parcours d’une jeune fille, Dorothy, qui se retrouve par magie projetée (via une tornade) dans un monde féérique terrorisé par une sorcière sans scrupule. Une contrée qui idolâtre un magicien que la jeune fille doit rencontrer, ce dernier pouvant l’aider à retourner dans son monde qu’elle cherchait pourtant à fuir (notamment à cause d’une méchante femme qui en voulait à son chien). Un long chemin que Dorothy devra parcourir, rencontrant au passage des personnages hauts en couleur (un épouvantail vivant, un lion peureux et un homme en fer), qui feront la route avec elle pour voir leur vœu respectif exaucé.

On sent l’influence qu’a eue Disney sur ce film ! Car Le Magicien d’Oz ne se présente pas comme une pâle adaptation du livre. Mais plutôt comme une magnifique mise en image de ce dernier. Où l’acharnement principal des producteurs n’était pas que de remplir leurs caisses. Mais également de livrer un spectacle qui soit à la hauteur de l’auteur d’origine L. Frank Baum. Le but du Magicien d’Oz est d’émerveiller, de réveiller notre âme d’enfant. Et il y réussit haut la main !

Surtout grâce à ses effets spéciaux qui, aujourd’hui, peuvent en étonner plus d’un ! Bon, il y a bien quelques détails qui montrent à quel point le film date (comme les célèbres singes volants ou certains décors de fonds, simples dessins sur un mur pour « cacher » un tournage en studio). Mais franchement, bon nombre de films actuels ont de quoi rougir devant ce divertissement dont le budget ne dépasse pas les 3 millions de dollars (alors que maintenant, la moyenne pour un blockbuster est de 150 millions). Et pour cause, Le Magicien d’Oz met en avant (via le procédé de Technicolor) des paysages parsemés de couleurs flamboyantes (alors que le monde réel n’est filmé qu’en sépia), de décors enfantins (le village des Munchkins, sortes de nains), des effets faits à la main avec savoir-faire (notamment la tornade, la projection du Magicien, la nuée de singes volants…) et surtout les costumes des personnages secondaires, dont on dû « supporter » les acteurs concernés.

Car porter du maquillage à l’époque, ce n’était pas sans conséquence. Il n’y a qu’à se rappeler La Belle et la Bête de Jean Cocteau, où Jean Marais était bien souvent en proie aux malaises. Ici, ce n’est toujours pas de tout repos : un costume de 45 kilos pour Bert Lahr (le lion), manque d’oxygène pour Ray Bolger qui porte pour l’épouvantail un masque en caoutchouc qui lui bloque les pores de la peau… Sans compter le danger que représentent certains effets spéciaux : Margaret Hamilton, l’interprète de la sorcière, est brûlée au deuxième et troisième degrés lors d’une séquence où son personnage disparait dans les flammes. Et pourtant, rien ne semble avoir empêché ses acteurs qui s’amusent inlassablement de ces personnages. Y mettant tout ce qu’il faut pour les rendre attachant : Ray Bolger se montre maladroit dans ses gestes pour rendre l’épouvantail aussi fragile qu’une poupée de paille, Bert Lahr aime jouer la peur avec excès et amusement, Margaret Hamilton ricane telle une véritable sorcière, Frank Morgan se permet d’être plusieurs personnages à la fois (le Magicien, un cocher, un garde…), Jack Haley use d’une touchante sympathie pour son rôle d’homme de fer… Sans oublier la jeune Judy Garland (Dorothy), véritable fille que l’on lâche sans problème dans un conte de fées.

Et comme si cela ne suffisait pas, chacun se laisse également entraîner dans la chanson. Le film, pour paraffiner son ambiance magique et poétique, se présente telle une petite comédie musicale, avec son lot de chansons et de séquences chorégraphiées (comme chez Walt Disney). Faisant du rendu final un spectacle léger, joyeux et enchanteur, comme il est plaisant d’assister !

Il est clair que sur certains points, Le Magicien d’Oz a souffert du temps. Et son côté très enfantin (pour ne pas dire niais) en rebutera quelques uns. Mais il serait incommodant de ne pas avoir vu ce petit bijou du divertissement américain, qui a su se faire une place dans l’Histoire avec un grand H. Au point que les autres domaines culturels (cinéma, musique, lecture…) se permettent d’y faire référence. Comme exemple, vous avez la célèbre chanson Over the Rainbow, reprise par une multitude de chanteurs et qui, pourtant, a été à l’origine écrite pour ce film.

Vous avez une âme d’enfant ou vous aimeriez la récupérer le temps d’un film ? Regarder ce Magicien d’Oz, dont le prequel ne lui arrive nullement à la cheville (noyé dans un surplus de paysages numériques qui ne possèdent pas le même charme de ceux présentés dans ce long-métrage). L’émerveillement n’en sera que plus inévitable !
sebastiendecocq
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les meilleurs films de la Metro-Goldwyn-Mayer et Le Magicien d'Oz au box-office mondial

Créée

le 21 déc. 2013

Critique lue 324 fois

Critique lue 324 fois

D'autres avis sur Le Magicien d'Oz

Le Magicien d'Oz
Gand-Alf
8

Yellow Brick Lane.

Finalement peu connu en Europe en dehors de son oeuvre fondatrice, l'univers de L. Frank Baum, le créateur du "Magicien d'Oz, est une véritable institution aux USA, ayant donné lieu à une longue...

le 15 mars 2013

44 j'aime

7

Le Magicien d'Oz
JZD
5

Lucy in the Sky with Dorothy !

En parlant de la grisaille et de la brillance chez Dreyer, Pynchon s'est infiltré dans ma pensée ; c'était dans Vice Caché, une simple remarque d'un mec qui passait par là à propos du magicien d'Oz :...

le 9 mai 2013

31 j'aime

10

Le Magicien d'Oz
Docteur_Jivago
5

Un enrobage trop sucré et mielleux

Tout commence dans le Kansas lorsque Dorothy, une petite fille, voit son chien qu'elle aime tant être dans le viseur de l'institutrice. Mais d'un coup, elle se voit transporter dans un nouveau monde,...

le 31 oct. 2014

30 j'aime

2

Du même critique

Batman v Superman : L'Aube de la Justice
sebastiendecocq
8

Un coup dans l'eau pour la future Justice League

L’un des films (si ce n’est pas LE film) les plus attendus de l’année. Le blockbuster autour duquel il y a eu depuis plusieurs mois un engouement si énormissime que l’on n’arrêtait pas d’en entendre...

le 28 mars 2016

33 j'aime

1

Passengers
sebastiendecocq
5

Une rafraîchissante romance spatiale qui part à la dérive

Pour son premier long-métrage en langue anglophone (Imitation Game), Morten Tyldum était entré par la grande porte. Et pour cause, le cinéaste norvégien a su se faire remarquer par les studios...

le 29 déc. 2016

29 j'aime

La Fille du train
sebastiendecocq
4

Un sous-Gone Girl, faiblard et tape-à-l'oeil

L’adaptation du best-seller de Paula Hawkins, La fille du train, joue de malchance. En effet, le film sort en même temps qu’Inferno (à quelques jours d’intervalles), un « Da Vinci Code 3 » qui attire...

le 28 oct. 2016

28 j'aime

4