J'avais un souvenir agréable mais quelque peu estompé de la version cinéma du Maître d'arme, qui sonnait nos retrouvailles avec le Jet Li qu'on aime, celui des Kung Fu Pian les plus emblématiques que le monde du septième art ait pu nous offrir. Quel plaisir de le revoir exploité à son juste niveau -de le voir également retrouver Yuen Woo Ping avec qui il avait oeuvré pour le magique Il était une fois en Chine - dans une histoire certes balisée mais qui sait éviter certains gros clichés inhérents au genre. Tous ces ingrédients subtilement dosés permettent à ce biopic inspiré de se hisser au rang des maîtres d'oeuvre du genre.
A travers Fearless, c'est une véritable ode à la pratique des arts martiaux que nous délivre Ronny Yu. En usant jusqu'à la moelle les aptitudes martiales de son acteur principal, il illustre la vie de Huo Yuanjia, un grand maître chinois qui s'est démarqué par son approche humaniste du combat. A travers son parcours, le cinéaste frappe en plein coeur un spectateur d'emblée attendri par une histoire atypique mais universelle dont le rythme ne faiblit jamais. Cette version director's cut est vraiment à privilégier. Le script y est efficace et permet à Yuanjia de revêtir le charisme nécessaire pour donner une belle ampleur à la dernière demie heure du film, au cours de laquelle on finit de se transformer en fan hystérique du bonhomme.
Mais qui dit Jet Li et Kung Fu Pian dit bien entendu combats. Il serait mentir de dire que l'on nourrit nos platines avec un film comme Fearless avant tout pour l'histoire. De la tatane, on en veut, et ici, on en a. C'est tout simplement exemplaire à ce niveau, digne des meilleures productions du genre. Jet Li est au sommet de sa forme et délivre une prestation martiale à couper le souffle, qui permet aux superbes chorégraphies de Woo-Ping de littéralement nous exploser les rétines. La première demie heure du film est un feu d’artifice dont le bouquet final est envahi de coups cinglants qui l'on ressent presque sur son canapé. Leur puissance fait rugir le caisson de basse, on est au coeur des affrontements, le palpitant pompant au rythme des attaques que Jet Li martèle sur le crane de ses adversaires.
Contrat rempli pour la partie martiale pure du film, mais là où Fearless se révèle être une bobine qui se démarque des autres films de Kung Fu de ses dernières années, c'est que son script est loin d'être anecdotique et n'est pas un simple prétexte à mettre en scène des coups de tatane. A l'image d'un Ip Man, il revêt la forme d'un biopic très intéressant, bien évidemment romancé, mais superbement géré, de manière à nous impliquer totalement dans l'histoire en évitant certains gros clichés qui empreignent généralement ce genre de film. Le traitement de ce maître japonais (le très bon Shido Nakamura), dernier adversaire du personnage incarné par Jet Li est en ce sens très appréciable. Il échappe à cette caricature du patriote sans scrupule qui discrédite immédiatement la portée d'un quelconque message. La réalisation, quant à elle, porte avec finesse et inspiration l'histoire de cet homme hors du commun en nous exposant les différents stades de sa propre pratique des arts martiaux. Fougueux et impétueux à ses débuts, il se fera finalement le porte étendard d'un courant de pensée différent, où la victoire et la puissance importent finalement assez peu.
C'est tout simplement conquis qu'on accueille le générique de fin, le sourire qu'on a eu sur les lèvres quelque peu retombé par une dernière séquence riche en émotion. Une jolie épopée au coeur de la Chine, une très belle approche des arts martiaux et de ses pratiquants. Il n'est d'ailleurs pas exclu qu'une fois le Blu Ray revenu sur son menu principal, vous ne vous fendiez pas de quelques coups portés dans le vide après avoir insufflé à vos fragiles mollets suffisamment de volonté pour vous extirper de votre canapé bien moelleux.