C'est un peu un deux en un.
D'un côté il y une partie « contemporaine » gothique et de l'autre un long flash-back occupant toute la grosse partie centrale qui se déroule des décennies avant et qui explique d'où vient le spectre de cette femme-chat.
Grosse surprise : c'est le long segment en flash-back qui est en couleur !
Ce n'est que le premier signe d'un film très libre formellement, virtuose et à la limite de l'expérimental.
Pour rester sur la partie central, même si celle-ci est la plus folle, elle souffre de gros problème de rythme et de personnages inconsistants auxquels il est impossible de se passionner. On est donc seulement spectateurs passifs dépendant de l'inspiration du cinéaste. Heureusement celle-ci est féconde et Nakagawa mélange fantastique, chambara et sérial : cadavre emmuré, chat-vampire, un peu d'art-martiaux, acteurs en roue libre, murs dégoulinant de sang...
L'ambiance ne se prend pas trop au sérieux et n'est même pas loin parfois de l'auto-parodie (les techniques de la femme chatte pour attirer ses proies à distance ; sans oublier les oreilles se dressant ). A des moments on pense aux futurs délires pop de Seijun Suzuki comme ce plan délirant d'un homme fou donnant des coups de sabres dans le vide tandis que des couleurs flashy s'emmêlent derrière lui et que les visages de ses victimes (en gros plan) viennent en surimpression sur les bords de l'image.
Les parties contemporaines qui ouvrent et clôturent le film sous beaucoup moins extravagantes mais tout aussi impressionnantes visuellement avec des plan-séquences spectaculaires qui posent immédiatement l'ambiance lourde et oppressante de l'histoire. On se rapproche plus de l'humeur d'Edgar Allan Poe en citant ouvertement le Corbeau.
Le 1er plan commence ainsi par un travelling le long de fenêtres où avance un chat, puis la caméra pivote pour dévoiler un long couloir qui débouche sur un escalier, elle monte à l'étage, se retourner à 180° pour rentrer dans une pièce plongée dans l'obscurité qu'elle traverse presque en entier.
Quelque minutes plus-tard un autre morceaux de bravoure (seulement coupé par deux rapides inserts) nous fait pénétrer dans la demeure hantée : on part d'une branche surplombant le portail, on descend au niveau des acteurs pour les suivre avancer doucement et lentement dans la cour intérieure du manoir où la végétation a repris ses droits avant de s'élever au premier étage de la maison (l'ensemble baignant un brouillard étouffant du meilleur effet avec apparition/disparation d'une vieille femme dans la maison).
Deux plans déments qui impressionnent car Nakagawa ne cherche pas la facilité avec un sens de l'espace, de la photographie, du timing et du mouvement qui forcent le respect sans rien avoir de gratuit.
On le sent tout de même plus à l'aise dans ce domaine que dans les délires colorés à la frontière du bis qu'il ne semble pas avoir souvent décliné durant la suite de sa carrière (à l'inverse de cette ambiance morbide et angoissante) mais je connais encore mal sa carrière.
A voir donc pour l'exercice de style, stimulant et réjouissant car l'histoire est décevante surtout avec un happy-end crétin rajouté par les producteurs que le cinéaste saborde totalement. Il en fait une sortie de caricature de soap télévisuel assez irrésistible dont la platitude visuelle tranche avec le bouillonnement créatif du reste.