Ben (Lakeith Stanfield) est un guide de la Nouvelle Orléans, déprimé par la mort de sa femme. Ne croyant pas en un quelconque au-delà, il doute lorsqu'on l'appelle a l'aide d'une famille ayant récemment emménagé dans un manoir réputé hanté. Pourtant, il se retrouve lui-même prisonnier du manoir, dirigé par un spectre mystérieux et menaçant, qui ne semble pas prêt à se lâcher Ben...

J'ai conscience de surnoter un peu (ça vaudrait probablement plus 6), mais comme souvent dans les films Disney originaux, je veux récompenser la sincérité du film.

On n'a pas affaire ici à un produit simplement commercial qui cherche à récupérer un max de fric (j'espère pour eux, sinon c'est raté), mais bien a une vraie déclaration d'amour à un genre tombé en désuétude. Comme dans Jungle Cruise, Le Manoir hanté essaye tant bien que mal de redonner ses lettres de noblesse aux vieux films de fantômes bien kitsch et bien ringards. On ne sait à qui cette démarche s'adresse, tant elle est déconnectée des attentes du public contemporain, hormis aux quelques Tonto qui errent tels des âmes en peine de par le vaste monde et on ne peut que se poser des questions sur la santé mentale de celui qui a accordé 150 millions de dollars à ce projet évidemment suicidaire, et de celui qui a, en prime, décidé de sortir ce film d'Halloween en plein mois d'août...

Quoiqu'il en soit, pour les quelques spectateurs qui restent, capables de ne pas chercher plus dans ce film qu'un bon petit divertissement à l'ancienne, Le Manoir hanté est une surprise étonnante, plus bonne que mauvaise, quoiqu'il reste de grosses déceptions...


Bonne surprise, car il s'agit d'un des premiers films live Disney du XXIe siècle à réussir à renouer à ce point avec l'esprit Disney, le vrai, celui de la période Stevenson. Du réalisateur de L'Apprentie Sorcière et du Fantôme de Barbe-Noire, on retrouve beaucoup dans ce film, et on ne peut que louer les kilotonnes de trouvailles visuelles et/ou gagesques que le scénario multiplie sous nos yeux enchantés. Exploitant les possibilités de l'invisibilité, des reflets, des jeux de perspective, des apparitions soudaines et des rais de lumière dans des couloirs sombres, la caméra de Justin Simien est utilisée au maximum de ses capacités. Chaque plan nous offre un petit effet, certes souvent attendu, mais toujours réjouissant, nous promenant dans cet univers spectral extrêmement bien construit. Comme dans toute production originale Disney qui se respecte, le décor est parfaitement pensé, et pour une fois, la mise en scène sait l'exploiter à sa juste mesure. Un excellent point pour le film, le premier à avoir soulevé toute ma sympathie.

L'autre capital sympathie évident du film est le casting. Si Lakeith Stanfield et Chaise W. Dillon restent sur une partition sans inventivité du héros courageux malgré lui et de l'enfant peureux rigolo, Owen Wilson est absolument délicieux en prêtre de pacotille qui a peur de son ombre, Danny DeVito nous fait du grand Danny DeVito avec ce prof d'histoire têtu et aveugle au monde qui l'entoure, tandis que Rosario Dawson et Tiffany Hadish cabotinent à qui mieux mieux dans des rôles parodiques que les amateurs de ce registre apprécieront comme il se doit. On regrette certes que la guest star Jamie Lee Curtis ne soit pas plus présente mais ses quelques scènes raviront ses fans également.

Enfin, l'histoire elle-même est assez plaisante et nous offre un récit bien construit au déroulé juste assez original pour qu'on ne se lasse pas de voir une énième fois la même histoire répétée inlassablement (ce qui, ne nous leurrons pas, est pourtant le cas), s'appuyant sur d'excellentes idées parsemées tout au long du film.


Mais voilà, on ne fait pas un film avec des idées... Et si Katie Dippold semble une assez bonne scénariste, son talent de gag(wo)man apparaît beaucoup plus fantomatique.

Ainsi, Le Manoir hanté témoigne d'une bonne humeur tout-à-fait communicative, mais si on décortique ses gags, c'est plus problématique. Plusieurs répliques font mouche et le jeu des acteurs suffit parfois à donner du relief à certaines scènes, mais une immense majorité des gags apparaît pourtant inachevée ou simplement mal exécutée. A tel point que, dans plusieurs scènes, on se retrouve à finir le travail de la scénariste en imaginant (avec une aisance déconcertante) le gag ou le concept qui aurait fait passer la scène du stade d'amusante à celui d'hilarante (ce qu'elles ne sont jamais). Prenons la scène du grenier, pourquoi une fois Ben enfermé là-haut, ne garde-t-il pas contact avec ses deux comparses restés a l'extérieur ? On imagine sans difficulté les échanges hilarantes que cette communication aveugle aurait pu donner, pimentée par la présence du spectre (et pourquoi pas, d'un spectre à l'extérieur, qui aurait donné une scène d'action à deux niveaux). Autre exemple, la scène du portraitiste semble toute droit sortie d'un film de Robert Stevenson, mais il lui manque le relief que ce dernier aurait mis en ajoutant les manifestations d'un fantôme ou simplement en exploitant mieux l'incompréhension du portraitiste en question. D'ailleurs, on se demande pourquoi le scénario n'exploite jamais l'idée que les personnages voient un fantôme que personne d'autre ne voit autour d'eux...

Si l'humour est présent et touche parfois juste (Danny DeVito avec son manteau transparent, tout simplement, ou bien s'inquiétant du taux de cholestérol de la femme décédée du héros, dont l'histoire tragique vient d'être racontée), on a l'impression que Katie Dippold a du mal à aller au bout de ses idées dans un geste étrangement inachevé. On se porte volontaire pour écrire les gags du remake qui sera produit dans 20 ans.

D'ailleurs, ces limites autosuggérées se trouvent également au niveau de l'émotion. Avoir voulu créer des personnages endeuillés est une excellente idée et le twist principal du récit aurait largement fonctionné s'il avait été mieux préparé en amont.


Bref, tant d'idées gâchées ne suffisent toutefois pas à gâcher complètement un film à l'atmosphère extrêmement réussie qui, s'il paraît largement inabouti dans sa démarche, a au moins pour lui le mérite d'accomplir un geste pleinement authentique, plein d'amour autant pour son genre que pour son public. On aurait néanmoins apprécié qu'il se donne les moyens de le rencontrer...


Tonto
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le 2 août 2023

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