Le titre original du film, Ford v Ferrari, est un poil trompeur. Plus, en tout cas, que le titre français choisi. Et c'est là que réside le seul défaut du film.


Car hormis une ou deux incursions en terres italiennes, n'escomptez pas retrouver un quelconque affrontement, car les scénaristes ont décidé, un peu malheureusement, de rejeter la merveille italienne au second, voire au troisième plan du film. Le cavallino rampante sera donc décrit plus comme un épouvantail à égaler, et non comme un adversaire dans les roues duquel il faudra rouler, dans une course au développement du meilleur bolide.


Ferrari étant dès lors campée comme une force établie, Le Mans 66 racontera donc plus l'intérieur du constructeur Ford, courant après une victoire de prestige à coups de millions et en allant chercher le meilleur ingénieur à l'extérieur.


Occasion que saisit James Mangold pour braquer sa caméra sur un artisan roublard et franc-tireur, Carroll Shelby, et sur son amitié avec le pilote Ken Miles, génie en marge et incontrôlable.


L'oeuvre visite donc les circuits ultra balisés de la montée en puissance sportive et en utilise les archétypes les plus communs. Sauf qu'elle est malgré tout assez palpitante à suivre, et spectaculaire à regarder et forte en suspens dans son aspect sportif, pour qui n'est pas familier avec l'histoire du circuit manceau.


Pour présenter ses deux stars en totale marge d'un système de grande entreprise se faire avaler et abuser par un constructeur ne misant que sur les retombées marketing de son entreprise. Il est ainsi assez effarant de voir à quel point Shelby et Miles n'ont pas forgé leur succès avec Ford, mais bel et bien contre Ford. Contre une marque d'un autre temps. Contre l'ascension capitaliste de l'ovale bleu. Contre une organisation toute puissante et rigide dans ses méthodes de travail. Contre les luttes intestines de pouvoir qui rappellent que les constructeurs actuels engagés en compétition n'ont finalement rien inventé de ce point de vue.


James Mangold, lui, propose encore une fois un très beau travail d'orfèvre, basé sur l'humain et ses personnages bénéficiant de la présence d'un Matt Damon excellent et d'un Christian Bale habité et complice, après un merveilleux remake de 3H10 pour Yuma.


Le développement de la sublime GT 40, lui, sera aussi l'objet de toutes les attentions, tant en essais nocturnes superbes qu'en course finale échevelée et diablement bien shootée, constituant une sacrée dose d'adrénaline, bijou d'une reconstitution sportive des années soixante plaisante et riche.


Captivant, exaltant, intime, Le Mans 66 est une très jolie traduction de la passion du sport automobile et de ses arcanes, de l'asphalte brulant martyrisé par les bolides surchauffés, ainsi qu'un hommage émouvant à tous ces artisans et à leur approche romantique de la course aujourd'hui disparue.


Behind_the_Mask, cheval (pas très) cabré.

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le 13 nov. 2019

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