La course automobile, ses prouesses, ses défis, ses héros, ses tragédies. Cette année, James Mangold nous revient avec Le Mans 66, avec Matt Damon et Christian Bale, pour nous faire foncer sur l’asphalte à plus de 7000 tours par minute.


Nous sommes ici dans le cadre d’un biopic, mettant notamment en scène Carroll Shelby (Matt Damon), ancien pilote de renom ayant du arrêter la compétition à cause de problèmes cardiaques, et Ken Miles (Christian Bale), pilote et mécanicien au caractère bien trempé et qui n’a pas froid aux yeux. Dans leur volonté de racheter Ferrari pour accroître leurs ventes en remportant notamment les 24 heures du Mans, Ford essuie un échec, et fait alors appel aux services de Shelby pour élaborer la voiture qui les feront l’emporter face à Ferrari. C’est alors que toutes les problématiques soulevées par Le Mans 66 vont émerger, dans un monde gouverné par la vitesse et, surtout, l’argent.


Rapidement, ce sont deux mondes qui se mettent à cohabiter par la force des choses. D’un côté, les hommes d’affaires, les financiers et les commerciaux, toujours en costume, qui ont de grandes idées et de grands principes qu’ils veulent à tout prix imposer pour étendre leur empire. De l’autre, les techniciens et les artisans, ceux qui mettent la main dans le cambouis, qui élaborent, construisent et optimisent. Ici, Carroll Shelby agit comme une sorte d’intermédiaire, étant issu du monde des artisans, et devant répondre aux directives des hommes d’affaires, mais il n’est ni un homme d’affaire, ni un artisan non plus, par la force des choses. Le Mans 66 vient opposer différentes visions du monde, différentes strates de la société, montrant l’éloignement grandissant entre ces dernières et les nombreux problèmes qu’une telle situation peut engendrer. En effet, si les intérêts des uns supplantent de trop ceux des autres, alors l’ensemble s’effondre.


Nous sommes ici face à une situation transposable à de nombreux contextes, mais il peut être judicieux d’y voir un certain parallèle avec l’industrie du cinéma. En effet, les majors américaines dominent outrageusement le box office mondial avec des productions de grande ampleur, pensées pour séduire le public le plus large possible, et elles dictent les lois du cinéma contemporain. Ces majors, ce sont les hommes d’affaires de Ford, ce sont les producteurs exécutifs, ceux qui ont l’argent, qui l’investissent dans le projet qui les séduit, et qui arrangent les choses selon leur vision. Shelby, le ni-homme-d’affaires-ni-artisan, est le réalisateur, il orchestre les choses sur le terrain, tout en étant soumis aux directives des décisionnaires. Ken est l’acteur, il est celui qui incarne le projet aux yeux de tous, il est celui qui véhicule son image. Les membres du staff, quant à eux, sont tous les techniciens qui œuvrent à la réalisation du film. De même, Ford incarne la major qui produit des films en série, dans une logique de quantité avant la qualité, quand Ferrari fait l’inverse, produisant peu, mais cherchant à donner une âme au produit final. Et à ce jeu, c’est Ferrari qui est le plus en danger, face à une firme Ford impitoyable, montrant alors la domination étouffante des majors sur l’ensemble de l’industrie.


Dans Le Mans 66, il est intéressant de voir à quel point la maîtrise de James Mangold persiste, même à toute allure. Le film a une esthétique assez « vintage », retranscrivant l’esprit des années 60. Il prend le temps de poser le contexte, de présenter les personnages, pour faire des courses les points d’orgue de cette rivalité. Impressionnantes, immersives, elles sont superbement filmées, faisant frémir le spectateur en l’embarquant dans ces bolides lancés à toute allure. On retrouve la puissance visuelle et sonore du Rush de Ron Howard, auquel on pense pendant ce film, même si les enjeux et l’angle d’attaque sont assez différents. Le Mans 66 est une belle réussite, un film parvenant à proposer une vraie expérience tout en faisant un état des lieux intéressant de notre société.


Critique écrite pour A la rencontre du Septième Art

JKDZ29
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le 19 nov. 2019

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