Quintessence de l'exploitation horreur italienne

Dans les années 50 a été tourné un film : l’homme au masque de cire. Malgré un style Hammer très appréciable, l’œuvre se révélait décevante pour un rythme platonique et au final peu de cire qui nous était montré. Avant que Jaume Collet Serra ne s’empare du matériau et nous offre le slasher fétichiste inégal qu’on lui reconnaît, Sergio Stivaletti s’est lui aussi essayé attelé à la tâche, en nous proposant un spectacle aux moyens limités, mais honnête dans ses intentions. Le constat est… dirons nous… à nuancer, mais la bonne humeur est là.


Ce qui frappe tout de suite quand on découvre le film, c’est qu’il se permet tout. Après une introduction un peu cheap sur un Paris en aquarelle qu’on essaye de nous faire passer pour une vue à la fenêtre (le beau décor en dessin animé avec des feux d'artifices animés), on découvre une scène de carnage assez exagérée, où plusieurs policiers français de l’époque farfouillent. Que dire de la prostituée de la séquence suivante, dont l’anachronisme flagrant avec l’époque n’est pas sans interpeller (mais c'est du bis, donc on se doit de penser aux attentes du public moderne)… Plan réutilisés, détails anachroniques ou illogiques, design ridicule (le meurtrier est la seule personne dans tout Rome à se balader en Manteau-foulard-chapeau noir en plein été)… Une foule de détails qui plomberaient d’ordinaire un film en le condamnant sans doute au nanar. Mais ici, l’ambiance de l’œuvre tire clairement le récit vers le haut (l’hommage à Lucio Fulci en début de film place tout de suite dans un certain état de réceptivité… ou pas). C'est en cela que le Bis se détache du nanar tel qu'il est apprécié par les cinéphiles : il a cette classe et ce panache qui crée un charisme indéniable avec toutes ses erreurs et imprécisions, qui sont causées non par négligence, mais par envie de créer un style. C’est un cocktail d’une multitude d’éléments qui parvient à trouver sa cohérence dans la longueur et avec chaque plan du film. Les plans nichons abondent avec des femmes plantureuses (il faut bien convier les hommes de goût), et certains détails marqueront notre imaginaire, comme le gore ultra brutal de l’arrachage de cœur dans le flash back.


C'est bien son premier degré qui rend le film ultra sympathique, tellement il est généreux et sincère, bien qu’involontairement drôle. Il apporte son lot de portraits, toujours dans l'exagération qui plaît (les méchants sont gratinés, l'héroïne pure, seul le journaliste un peu enquêteur sait garder une petite sobriété qui le rend naturel). Jouissif est un mot qui revient ici souvent, les ingrédients étant fait pour exciter notre curiosité, alors que les figures clichées ultra classiques des personnages font venir les rebondissements une demi-heure à l’avance. On sait ce qui va arriver, mais on veut le voir, et le film fait bien les choses. De ces perpétuelles contradictions, d’un déséquilibre constant entre la jouissance procurée par le thème et les outrances de la narration (le musée est amené de manière téléphonée, Boris répond aux questions des enquêteurs avec de tels sous entendus qu’il ne trompe jamais personne à part les enquêteurs du film), le spectacle se développe, cherchant à prendre une ampleur qui sera toujours contrebalancée par la maladresse des effets spéciaux (le numérique est laid) ou des idées conceptuelles, séduisantes mais terriblement hors de propos (les statues sont maintenues en vie par un liquide bleu, pompé dans tout le musée… par un cœur maintenu artificiellement en vie !?). Au final totalement anachronique montrant bien que le réalisateur se moque de toute cohérence (je ne dis rien, mais ceux qui l’ont vu comprendront que les rebondissements finaux font hausser les sourcils), le spectacle s’achève dans toute la grâce bancale qu’il a mis en place pendant une heure et demie, s'achevant dans un climax vraiment sympathique immédiatement nuancé par une nouvelle incohérence. Un pur trip de bisseux en somme, étonnamment plaisant dans ses surprises multiples et ses coquilles attirantes.


Le fan trailer que je me suis permis de faire : https://www.youtube.com/watch?v=o6vJlGfW7d0

Voracinéphile
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le 8 déc. 2015

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