Finalement, en quoi « Le mépris» est-il foncièrement mémorable ?
Les (très belles) fesses de Brigitte ? Le (sans doute très bon) roman de Moravia ? Une villa (proprement hallucinante) à Capri ? Une musique lancinante reprise en boucle inexorablement ? Un peu de tout ça ?
D'où la question, forcément brûlante : qu'est-ce que notre Jean-Luc transnational a-t-il amené à ce moment fort (qu'on le veuille ou non) de la cinématographie mondiale ?
Parce qu'autant vous dire : Godard, jusque là, faisait partie chez moi d'un des derniers bastions inviolés de ma cinéphilie, refroidi que j'avais été par un Pierrot le fou qui avait abordé un peu trop tôt ma sensibilité et alors heurté ma (encore trop) jeune conscience artistique (bon, en gros je devais avoir une dizaine d'années ...). Sans parler des deux ou trois tentatives avortées une petite décennie plus tard, alors que Godard gordadisait à tout va pendant que de mon côté je m'en tenais à une conception assez consensuelle et traditionnelle du septième art.
Le mépris, donc. Jean-Luc.
Loin d'être désagréable, la vision de ce film, près de 50 ans après sa sortie, m'inspire des sentiments assez paradoxaux. L'impression que son legs à la postérité pourrait bien tenir du malentendu.
Car ma question inaugurale demeure à mon sens ouverte : la plastique de BB, la beauté et le glamour de Capri, le roman d'origine ou la musique insistante sont autant d'éléments forts qui échappent à la création originale du Suisse. Certes, on pourra lui reconnaitre le talent d'avoir su réunir tous ces éléments, mais vous conviendrez que cela constituerait un bien mince héritage pour une des figures les plus emblématiques de cet art.
N'étant ni un critique professionnel ni un étudiant en cinéma, une foultitude de détails ont forcément échappé à mon esprit insuffisamment sagace. Je juge en bourrin et je laisse donc le conceptuel aux raffinés éclairés.
Il y a dans ce film un humour en trompe l'œil que j'ai trouvé assez plaisant. Jean-Luc commence à faire du Godard sans le côté pédant ou poseur qui pourra tant effrayer par la suite. Ces prémices stylistiques, pas encore élevés au rang de gimmicks incontournables, soufflent sur l'œuvre comme un vent de deuxième degré savoureux et rafraîchissant. A l'image de ce générique parlé, de l'emploi même de cette musique (j'ai déjà expliqué qu'elle était TRES répétitive ?) qui ne cesse de nous rappeler qu'on regarde bien un bout de cinéma, au cas où nous serions emporté par le récit, et de ces quelques moments furtifs d'amusement purs : par exemple Piccoli frappant du revers de la main une statue féminine au niveau des seins et du pubis et marmonnant « ça ne fait pas le même bruit partout... »
Retenons aussi la performance de Godard dans la direction d'acteur, dans la mesure où il parvient à préserver BB de l'insupportable, lui offrant même une ou deux répliques savoureuses, ce qui reste, reconnaissons-le, une véritable performance, artistique et humaine.
Malentendu, disais-je ? Ne reposerait-il pas dans le fait que ce qui reste aujourd'hui, ce qui rend le film si iconographique, ce sont les éléments les moins Godardiens du film, quand bien même ce dernier les aurait choisi ?
Les Dieux antiques sont esthétiques, Fritz Lang poétise comme un boomerang, Jack Palance balance avec nonchalance, les producteurs sont des froids emmerdeurs, mais finalement, ce qu'on retiendra avec le plus de clarté se concentre ente le dos et les cuisses d'une ravissante ingénue qui place désormais plus d'espoirs dans l'œil de son doberman que dans le reste de l'humanité.
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