Le Miroir est le quatrième film d'Andrei Tarkovski sorti en 1975 avec Margarita Terekhova et Oleg Yankovsky dans les rôles principaux.
Dans le Miroir, nous suivons Aliocha, un cinéaste quarantenaire en mauvais termes avec son épouse, incapable de communiquer avec son fils, qui se rappellera de sa vie dont son enfance marquée par l'abandon de son père, poète. De grands événements mondiaux auront aussi marqué la vie d'Aliocha tels que : la révolution espagnole de 1936, le siège de Leningrad et la montée du communisme en Chine qui en théorie prônait " Que Cent Fleurs s'épanouissent ! ", mais qui en réalité prônait " Que Cent Fleurs s'épanouissent, pour mieux qu'elles dépérissent ! ".
Pour le réalisateur, Andrei Tarkovski, le Miroir se place après un film de commande qui fut pour lui, le moins personnel ainsi que celui qui a demandé le plus d'effort technique, alors que le film fut son mieux reçu en Russie !
Ce film de Science-fiction, Solaris, fut assez dérisoire, car contrairement à la presse et même à Eisenstein, l'un des maîtres du cinéma russe, ce n'est ni le genre ou le montage qui marque son cinéma, mais la capacité à capturer le temps !
Où l'expérience cinématographique serait équivaut à une " Recherche du Temps perdu " (un peu comme Sergio Leone dans Il était une Fois en Amérique que je ne peux que vous conseiller de voir !).
C'est cette démarche qui poussera Tarkovski à tourner ce film qui aborde ses propres souvenirs avec une narration non linéaire qui mêle les supports, comme l'archive, la reconstitution, le songe, le témoignage voire même la poésie récitée !
Tout cela pour mieux nous permettre de nous plonger dans la réflexion existentielle de cet homme mourant avec les thématiques du rôle des parents ou encore la recherche du bonheur, la notion d'identité, la notion de mémoire individuelle et collective dans différentes strates temporelles.
De ce fait, je vous conseillerais de voir deux fois ce film, car même si on nous donne les réponses à la fin du film, tout recouper permet d'avoir une expérience différente, même si le premier visionnage fut le plus fort de mon point de vue, notamment grâce au travail pour créer de la vie au travers de l'entrecoupage des différentes strates pour mieux nous parler du temps qui passe, comme dans Il était une fois en Amérique ou pour nous dire qu'au final le principal, n'est pas tant de remettre les choses en ordre, que de ressentir des choses via l'image et la manière dont les strates communiquent entre elles.
Pour vous expliquer, la mère du " passé " (1935), Maroussia, a deux enfants, dont Aliocha, notre protagoniste. Tandis que la strate du " présent " (1975) montre un couple séparé avec Natalia et Alexi, les parents, et leur fils, Ignat.
Le génie du film ainsi que la justification du titre, réside dans le fait que le " passé " rentre en miroir avec le " présent ", Maroussia est en fait, Natalia. Aliocha quant à lui, est Alexi !
D'ailleurs, on peut remarquer que durant le film, on ne peut voir Aliocha adulte, qu'au moment de sa mort, peut-être que Tarkovski a voulu nous parler du fait que sa société ne voulait que d'un reflet d'une URSS communiste, et que seul la mort pourrait le libérer. Ou alors, que ce film se pose en réflexion fictif sur le malheur qu'aurait pu avoir Tarkovski de ne pas pouvoir renouer le contact avec son père. En sachant que ce film, a justement été le moyen de retrouver ce père absent.
Pour revenir sur Tarkovski, ce film est l'un des plus personnels de Tarkovski, car il aborde la relation et le rôle que ses parents ont eu sur sa vie, en effet, on apprend dans le film, que la mère d'Aliocha a fait partir son père, car elle voulait être libre, ce qui a marqué aussi bien Aliocha que Tarkovski, qui a vécu la même scène, mais qui depuis son premier film, L'Enfance d'Ivan tient une relation esthétique avec son père comme quoi : « le fils est le secret de son père », c'est pour cela qu'Andrei a tenu à ce que son père récite ses poèmes.
On peut aussi voir dans ces récitations de poèmes, la voix que le jeune Aliocha ne pouvait pas libérer dans le début du film, avec le visage de la femme qui guérit, tout comme celui de sa mère ou de son épouse. Ces deux choses permettent également de faire le pont entre les séquences, notamment avec l'angine qui empêche Aliocha de parler, même s'il en est plutôt heureux, car les paroles ne peuvent rendre ce qu'il éprouve (mais les images le peuvent !).
Andrei Tarkovski disait lui-même ceci à propos du film : « Le Miroir exprimait mes sentiments à l’égard d’êtres qui m’étaient chers, de nos relations, de la compassion infinie que j’éprouvais pour eux, de mon insuffisance à leur égard et du sentiment d’un devoir impossible à accomplir. »
Niveau réalisation, Tarkovski opère par les travellings omniprésents dans le film un montage au sein des éléments du cadre, emplie de poésie avec un traitement de l'image propre à chaque scène (comme par exemple, l'utilisation du filtre sépia pour les moments de bonheur), donnant un rendu puissant !
On a encore une fois dans le découpage de Tarkovski, un mysticisme constant avec une place pour la nature toujours aussi généreuse voulant donner exemple aux hommes.
Tarkovski montre une certaine inspiration des films de Yasujiro Ozu dans l'altérité culturelle pour montrer l'universalité des questionnements identitaire de l'humanité.
Ce film sera aussi une source d'inspiration pour Ingmar Bergman, l'un des plus grands cinéastes suédois qui tenait ces propos : « Quand je découvris les films d’Andrei Tarkovski, ce fut pour moi un miracle. Je me trouvais, soudain, devant la porte dont jusqu’alors la clé me manquait. Une chambre où j’avais toujours voulu pénétrer et où lui-même se sentait parfaitement à l’aise. »
Concernant les acteurs, Anatoli Solonitsyne est toujours aussi remarquable même si Oleg Yankovsky montre un jeu convaincant dans sa retenu.
Marguarita Terekhova, Nikolai Grinko et Ignat Daniltsev montrent également des performances de haute volée !
Pour parler musique, Edouard Artemiev s'occupe une nouvelle fois de la BO, même s'il ne s'occupe que des effets sonores, étant donné que le film est composé de musique baroque avec les compositeurs préférés de Tarkovski : Bach, Pergolese et Purcell.
Pour conclure, Le Miroir est un film qui saura marquer par sa capacité à toucher notre corde sensible grâce à la spontanéité de la démarche de l'auteur, dévoilant tout ce qu'il a de plus sacré à l'écran !