"Les destins de deux générations se superposent par la rencontre de la réalité et des souvenirs : celui de mon père dont on entend les poèmes dans le film et le mien. La maison du film est la reconstruction exacte de la nôtre, et a été construite à l'emplacement de cette dernière. On peut dire qu'il s'agit là d'un film documentaire. Les images d'actualité du temps de guerre, les lettres d'amour de mon père à ma mère, sont des documents qui façonnent l'histoire de ma vie" (Balint Andra Kovacs, les mondes d'Andrei Tarkovski)
ça me semble un minimum à savoir avant de se lancer dans "Le Miroir" tant tout est déstabilisant, volontairement perdu dans les limbes de souvenirs eux-même partiels. Il y a vraiment très peu à se raccrocher au moins pendant les 50 premières minutes pour bien cerner le fil conducteur. C'est donc beaucoup de questions qui viennent perturber l'expérience, en premier lieu celle-ci : de quel point de vue est-ce filmé ? c'est justement le manque total de certitude du spectateur à cette question qui le plonge réellement dans l'impression même du souvenir vague et imprécis. Comme si ça ne suffisait pas, Tarkovski assimile les souvenirs personnels au souvenir collectif de la Russie en insérant des images d'époque d'évènements marquants. De cette couche supplémentaire de subtilité découle un niveau supplémentaire d'interrogations et là ça commence tout de même à faire beaucoup pour maintenir l'émotion sans trop s'égarer dans les énigmes posées. Autant de pistes fragmentées qui font du Miroir une expérience tout sauf facile.
A côté de cette difficulté non négligeable, voire primordiale, d'entrer dans le film, la mise en scène est à chaque plan et à l'image de Natalia d'une parfaite beauté brutale et naturelle, d'une pureté vertigineuse, le plan final n'en parlons pas. La lumière, le vent, les arbres, le bois, la neige, la douceur, le souvenir sous toutes ses formes, le noir et blanc, la couleur, la jeunesse, la vieillesse, le reflet, tout se mélange à de multiples niveaux, toutes les émotions sont à fleur de peau dans l'image. Les poèmes magnifiques, toujours récités en fin de journée, ajoutent encore à l'atmosphère de lever / coucher de soleil. Aube ou crépuscule ? Encore une question supplémentaire.
ps : J'ai quand même envie de le revoir, avec de bons sous-titres si possible...