Le Miroir est probablement le film le plus personnel d'Andreï Tarkovski puisqu'il revient sur sa relation avec son père, son enfance et sur ses oeuvres précédentes. Ce film n'est autre qu'une autobiographie.
Il demeure néanmoins assez difficile d'accès. Le metteur en scène russe multiplie certaines références. Il parle de son passé. On va vite signaler que le cinéaste se complaît quelque peu dans la suffisance. Après tout, beaucoup de grands metteurs en scène possèdent un égo démesuré. On retrouve dans Le miroir, l'affiche de Andreï Roublev. Il faut aussi signaler l'incroyable plan-séquence dans lequel apparaît cette référence au second film de Tarkovski. La caméra se ballade dans une maison et y explore les différentes pièces. Ou d'une certaine manière, Tarkovski qui se remémore ses souvenirs. On entre de plein pied dans l'âme humaine. A noter aussi que la maison est celle de l'enfance de Tarkovski. Elle fut reconstruite exprès pour ce film. Les rêves d'enfance ou tout simplement les enfants chez le metteur en scène russe me rappelle, allez savoir pourquoi, son premier long-métrage qu'était L'enfance d'Ivan.
Le récit est construit de manière décomposée. Quand se déroule le présent, le passé ou le futur? On suit un homme, qui se rappelle sur son lit de mort ses souvenirs. La dernière chose qui le rattache à la vie avec ce moineau qu'il tient en main et qu'il ne lâchera qu'une fois mort. Doit-on y voir le symbole d'une âme emprisonnée dans un corps et qui s'élève ainsi vers le ciel une fois passé de vie à trépas? L'âme qui possèderait alors d'une totale liberté sans être attachée par une enveloppe charnelle.
Le téléspectateur est encore une fois plongé avec ce metteur en scène dans un monde onirique. Difficile de percevoir la réalité, l'instant présent du rêve. Toujours est-il que ce personnage, qu'on ne voit presque jamais est l'élément central du film. On le voit enfant. On voit ensuite son fils. On voit sa mère. On voit par après sa femme. L'absence du père se remarque dans les deux cas. Le complexe d'Oedipe semble aussi assez proche. Dans la plupart des relations on est confronté à celle d'une femme avec un enfant masculin. Il suffit aussi de se rappeler la scène du début. Un poste de télévision qui s'allume et un garçon qui souffre d'un problème de bégaiement. Une femme médecin va discuter avec lui. Elle va lui parler de ses souvenirs et l'enfant va réussir à parler beaucoup mieux. Une autre fenêtre sur l'âme du metteur en scène russe. Cette oeuvre, il s'en sert comme exutoire de tous ces moments critiques, difficiles peut-être tragique qu'il a pu connaître.
On revient un moment sur l'absence du père. Elle fut très forte chez Tarkovski. Son paternel n'est autre qu'un grand poète russe. Il possède ici un rôle même s'il n'apparaît pas une seule fois à l'écran. Les poèmes du film sont lus par Arsène Tarkovski. Ils sont également de sa composition.
L'un des grands atout de cette oeuvre, c'est que le téléspectateur peut s'immerger dans l'histoire. Les personnages, même s'ils possèdent une place importante dans le coeur de Tarkovski peuvent plus facilement être remplacé par des gens de nos propres visions. On peut s'identifier, me semble-t-il, à certains souvenirs. Le miroir nous le regardons. Et c'est nous que nous voyons dans celui-ci. Pas mal de personnages dans le film se regardent d'ailleurs dans un miroir.
Tarkovski signe un chef-d'oeuvre remarquable entre virtuosité technique (variation entre longs plans-séquences et plans fixes) et un voyage complet dans les profondeurs de l'âme. Certes, sa lenteur peut vite se transformer en ennui chez certains voire beaucoup. Mais tout de même, quand on apprécie, on reste muet tant c'est remarquable. Il semble aussi que le metteur en scène russe soit visionnaire puisque cet homme sur ce lit de mort, c'est lui. Il a une voix qui n'est pas celle d'un vieux en fin de vie naturelle. Tarkovski décèdera assez jeune d'un cancer des poumons...
Qu'importe, ses oeuvres ont marqué le cinéma...