Chèvres avec vue
Dans ses interviews, Frédéric Farrucci avoue que le sujet du Mohican lui a été inspiré par un documentaire qu'il a tourné il y a quelques années, dans l’extrême sud de la Corse, autour d'un berger...
le 27 oct. 2024
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Le dernier des … Mohicans, c’est ici le dernier berger de chèvres ayant réussi à résister à l’appétit des promoteurs immobiliers bien décidés à faire de l’argent en bétonnant la côte de « l’île de Beauté ». Jusqu’au jour où, menacé par la mafia locale qui veut absolument lui racheter sa bergerie et son terrain, il commet « l’irréparable » et doit « prendre le maquis », poursuivi par les voyous, mais aussi par la police.
On est clairement dans le domaine fictionnel et même mythologique du western, avec poursuites au milieu des rochers et dans les forêts, duels au pistolet, blessures soignées artisanalement, héros taiseux qui survit grâce à sa connaissance du terrain et à l’aide des autochtones toujours prêts à résister aux autorités honnies. Pas loin de la caricature finalement, parce que Farrucci manque d’ambition pour se frotter ainsi à ce genre de références, voire même de vision pour transformer les beaux paysages corses en quelque chose d’autre, quelque chose de plus. Quant à Alexis Manenti, il déçoit, il manque de présence à l'écran, il passe à côté d’un rôle qui aurait pu avoir de l’envergure, se contentant d’un mutisme là encore vaguement caricatural tant il est forcé. Bref, on voit les intentions, louables, derrière le projet, mais il n’y a pas assez de « cinéma » à l’écran pour que ça fonctionne : peut-être aurait-il été plus efficace de se cantonner dans le réalisme, car c’est lorsque – trop rarement – quelque chose de la vérité de la Corse surgit au sein du projet que le Mohican nous touche.
L’échec du film vient aussi du deuxième lièvre que Farrucci essaie de « courir à la fois », à travers le personnage, finalement plus intéressant, de la nièce du berger, et de son activité sur les réseaux sociaux. Car elle transforme rapidement, avec ses posts, « le Mohican » en un personnage « légendaire », d’abord hashtag, ensuite héros de chanson et tag façon Banksy sur les murs de l’île : il y a là un discours potentiellement original sur la déclinaison contemporaine de la rébellion face à l’ordre établi, sur sa symbolique, un discours qu’il aurait été intéressant de construire, pour peut-être challenger la superficialité de cette communication contemporaine, plus caricaturale qu'efficace.
C’est là un thème autrement plus intéressant, en fait, mais que Farrucci n’ose pas pousser au delà d’évidences inoffensives et d’un manichéisme assez basique. Sans même parler de la manière désinvolte, pour ne pas dire pas très courageuse, dont il clôt, trop tôt, son film, sans avoir ni clarifié, ni même enrichi son propos. Le film politique et moderne que le Mohican aurait pu être reste tristement à un état embryonnaire.
Décevant. Et frustrant.
[Critique écrite en 2025]
https://www.benzinemag.net/2025/02/13/le-mohican-de-frederic-farrucci-le-dernier-des/
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il y a 8 jours
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