Encore un film sur l'adolescence. Encore un film avec un titre hyper-mal traduit (mot-à-mot le titre original donne "Ou les avantages d'être une tapisserie", ce qui est nettement plus drôle et nettement moins niais) et vulgairement auto-centré sur les peines d'un ado mal dans sa peau. Voilà, j'ai balancé tous mes a-priori, prévenez-moi si vous en voyez d'autres.
Passons maintenant au commentaire d'après-film (logiquement nettement plus constructif). Le Monde de Charlie est bel et bien une petite histoire niaise auto-centrée sur les peines d'un ado mal dans sa peau. MAIS... C'est ce qui fait sa force. Oui, je sais, c'est bizarre, mais le fait est que les clichés adolescents sont présentés avec une naïveté toute calculée: la musique libératrice et exclusive, les bizutages et autres matchs de football renvoient directement à l'idiotie adolescente, et c'est précisément cela qui permet de toucher le spectateur. Ce n'est pas original, ce n'est pas atypique ou réaliste, c'est vécu. Ce film a au moins cela de vrai qu'il naïf, conscient, et qu'il utilise cette mièvrerie pour rattacher le spectateur à une époque de sa vie efficacement (d'où, aussi, le choix de ne pas inclure internet, outil qui marquerait trop la temporalité de l'histoire).
L'autre point fort du Monde de Charlie, c'est la qualité de ses personnages. Charlie (magnifiquement interprété par Logan Lerman, très bien remis de son passage fantôme dans la mythologie greco-hollywoodienne), personnage atypique car intello mais sensible, sensiblement seul mais décidé à se caser, est réellement émouvant dans son innocence et sa pudeur. Donc quand on a autour de lui un homo exubérant mais au fond dévasté par son petit ami pas encore prêt à s'assumer, bien servi par Ezra Miller, et une fille magnifique maltraitée par ses petits amis successifs car uniquement considérée comme faire-valoir, et qu'en plus un trio affectif se forme immédiatement, on est vraiment enthousiaste. Alors, certes, ce n'est pas le rôle qui sortira réellement Emma Watson de sa torpeur post-potterienne, mais il y contribue sans conteste. Reste à la voir jouer sous les commandes d'un metteur en scène chevronné, dans un rôle adulte. Elle en a la carrure et le talent, elle n'a désormais plus qu'à trouver le bon scénario.
Enfin, on pourra observer l'inégalité des dialogues, ou des monologues: des phrases dignes de la philosophie pour les nuls (et encore, j'ai une relative confiance en ces ouvrages) et des statuts dépressifs de Facebook ou Twitter, avec comme point d'exergue la phrase finale, dont la bêtise, la maladresse viennent littéralement gâcher la beauté toute libre du plan (et qui coûtent certainement à ma note un point), on arrive à de réels échanges magnifiques, avec notamment (spoiler) la scène où Sam se rapproche définitivement de Charlie: "tu n'as pas le droit de t'effacer pour épargner les autres et croire que ça compte pour de l'amour". Très moraliste, une nouvelle fois très cul-cul, mais beau, faut reconnaitre.
Alors voilà, Le monde de Charlie n'est pas un chef-d’œuvre absolu (ce qu'on ne lui a jamais demandé d'ailleurs), mais pour son casting astucieux, ses dialogues, et surtout parce que sous la couche de niaiserie aseptisée on trouve une innocence toute brulante comme un cœur adolescent, j'adhère.
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