Le Magicien d’Oz. Ces quelques mots signifient beaucoup pour tout amateur de littérature fantastique mais également beaucoup pour quiconque aura grandi avec le classique de Victor Fleming. Prendre la relève du père Fleming n’était pas chose aisée dans la mesure où le bonhomme n’est pas tout à fait le premier venu. Virtuose de son temps, il fallait qu’il trouve son écho dans le cinéma moderne. Il s’avère donc que le préquel de cette histoire bien connue tombe entre les mains de Sam Raimi, qui n’est quand même pas tout à fait dénué du sens du virtuose. Pas toujours, c’est selon les films, mais quand met à l’épreuve sa notion du virtuose dans Evil Dead 2, Darkman ou Spiderman 2, ça calme rapidement.

C’est plutôt l’écurie Disney qui a inquiété : en effet, on se souvient tous de l’arrière-goût douteux du Alice de Tim Burton, désormais célèbre étron de l’ère numérique du cinéma. Mais quand on y réfléchissait un peu, le problème n’était pas tant Disney (surtout quand on connait la liberté d’un type aussi bankable que Burton), mais bel et bien le fait que son réalisateur ait été abandonné par le talent. Sam Raimi souffre-t-il du même problème sur Oz ?

Eh bien non. Dès l’ouverture de son film, ce bon vieux Sam nous replace dans son cinéma de virtuosité. La séquence-titre du film suffit pour s’en convaincre. Dès ce début, on comprendre que l’on aura affaire à ce style de réalisation que l’on chérit chez Raimi : l’artisanat. Car si le film se prévaut d’être une création blindée de numérique, cela n’empêche pas son réalisateur de recréer son cinéma, là où bien d’autres l’auraient renié.

Si le film s’articule autour d’un schéma scénaristique on-ne-peut-plus classique, marque d’un film Disney, ses 40 premières minutes parviennent à instaurer un rythme idéal qui permet une jonction plus qu’efficace entre les deux univers du film : on est terriblement pris dans la découverte là où on levait les yeux dans la bande-annonce. Le hic, c’est que la construction classique du film fait chuter le rythme ce qui entraine un certain déséquilibre dans le film.

S’il est clair que Raimi articule tout son début dans la poésie, le reste du film s’aventure davantage de le registre de l’épique. Alors vous me direz, oui Sam Raimi c’est aussi le réalisateur de l’épique, oui chez Disney certains films relèvent aussi de l’épique (et certains le font bien). Néanmoins ici la balance n’est pas bien égalisée et ces changements de rythme et d’orientation déboulent souvent sur du « en trop ». En trop quelques personnages, quelques répliques, quelques séquences. Rien de dramatique à signaler, au contraire le niveau maintenu est finalement plutôt bon, c’est juste qu’au vu de ce que Raimi balance dès les premières minutes, on place subitement la barre très haut.

A l’instar de ce que développait Victor Fleming, Raimi conçoit dans Oz une belle alliance entre la technologie et l’artistique. Ici, il n’est point question de vomi numérique à la Alice, mais de quelque chose de plus maitrisé, et surtout de plus cohérent (la cohérence étant absente d’Alice, par exemple). Ça n’est pas un sans-faute pour autant, quelques fautes de goûts et parfois un côté too much (syndrome Disney, à nouveau... ?) viennent s’agrafer au film. Mais c’est un cinéma qui est généreux sur ce qu’il offre, et non avare en technologie gadget. On notera d’ailleurs plutôt un bon usage de la 3D.

Le métrage représente également pour moi une double réconciliation. D’une part avec James Franco qui avait tendance à m’exaspérer, et qui est ici plutôt agréable malgré un registre qui n’est pas sans rappeler un certain Johnny Depp. Néanmoins, à contrario de ce dernier lors de ces dernières années, Franco ne tombe pas dans l’abus, ni dans la parodie. D’autre part, la réconciliation est aussi avec Danny Elfman, qui, après bien des années de compositions plus médiocres les unes que les autres sous le joug de Tim Burton, retrouve enfin un réalisateur qui l’exploite comme il avait su le faire du temps de Spiderman.

Oz aurait très bien pu être une catastrophe numérique signée Disney, mais la direction de Sam Raimi en fait un film agréable, bien que très imparfait. Le challenge était néanmoins de taille. D’une certaine manière, je dirais que cela rassure sur Vingt Mille Lieues sous les Mers, le prochain David Fincher, dont la production sera aussi chapeautée par Disney. Car visiblement, derrière le terrible rouleau-compresseur industriel de la firme du regretté Walt, un auteur peut exister, et Sam Raimi l’a fait. Au suivant, donc !

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le 5 mars 2013

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Lt Schaffer

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