Qu'il est parfois bon de se perdre dans un film et d'y emprunter ses chemins de traverse comme autant de voies mystérieuses et impénétrables... Second long métrage du confidentiel et non moins brillant Stephan Streker Le Monde nous appartient est un film aussi déroutant que salutaire dans sa prodigalité sous-jacente, tacite, comme entre deux eaux. Littéralement habité par ses deux interprètes principaux ( Vincent Rottiers plus rugueux que jamais d'une part, Ymanol Perset faussement lisse d'autre part ) ce drame inclassable déplie dès ses premières minutes un double-récit volontairement abscons mais résolument fascinant, usant d'audaces visuelles et d'aspérités atmosphériques d'une séquence à la suivante. C'est tour à tour passionnant, évocateur et formellement très abouti.
En filmant en parallèle deux destins qui finiront par fatalement se croiser Le Monde nous appartient lorgne principalement du côté d'un cinéma sciemment sibyllin, cryptique mais ludique dans le même temps. A mi-chemin entre les formes brutes mais pratiquement haptiques de l'Oeuvre de Claire Denis et le premier long métrage de Léa Fehner ( le saisissant Qu'un seul tienne et les autres suivront, film dans lequel on retrouve également Vincent Rottiers mais également Reda Kateb ) le deuxième film de Stephan Streker fait ni plus ni moins figure de grande réussite artistique, parvenant d'emblée à créer tout un monde de formes, de gestes et d'émotions délibérément incongrus, gratuits parfois, maîtrisés toujours. Outre l'interprétation sans fausses notes de l'ensemble des comédiens la musique de Ozark Henry et la photographie resplendissante de Antoine Roch sont à saluer, preuves talentueuses d'un film en tout point palpitant et pétri de zones d'ombre proprement délectables. A voir absolument.