L'autre film
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C'est un village sans nom, sauf au générique. Village qui existe grâce au cinéma et dont le cinéma filme la mort, la mort des gestes, des coutumes, des habitudes et des habitants. Plusieurs décèderont juste après le tournage, tandis que le montage prendra dix ans. Un film de morts-vivants on vous dit. D'une ruralité condamnée.
Manuela Serra ne fait que suivre le mouvement juste avant la mort, celui de ce fleuve qui entraîne, ce Styx ressuscité, qui arrête l'image à quelques reprises seulement, comme pour prendre du recul sur le destin. La méthode Serra sinon, c'est d'éviter à tout prix le commentaire ou le soulignage (sauf au dernier plan), pour être à l'écoute des flux encore palpitant dans l'air et autour des gens. D'ailleurs, ce n'est pas un film sur la pauvreté, mais sur la ruralité, dénué d'obsession, si ce n'est humaniste. Et si on y met-en-scène quelques briques de fictions, c'est pour mieux relancer par l'humain le mouvement de la réalité, incarnée dans ces choses.
O Movimento das Coisas nous met presque devant un sentiment d'indifférence tant il y a de l'orfèvrerie à ne pas souligner, tout juste à suivre. Il y a seulement ce village sans nom comme encerclé par un fleuve, une capsule de temps arrêté avant l'engloutissement, un ensemble de cartes postales sans destinataires et le film comme seul témoin de l'enterrement. Glaçant comme un cercueil ouvert, où, en cherchant à retrouver le peuple caché, à éviter l'Épinal qu'avait dressé le pouvoir fasciste, Serra donna lieu au film-épitaphe.
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Créée
le 3 sept. 2024
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