De tous les films de la sélection officielle du 70ème Festival de Cannes, « Le Musée des Merveilles » est bien l’un des seuls que l’on pouvait attendre d’emblée comme un futur classique. Après « Carol », Todd Haynes revient donc sur le devant de la scène avec cette fresque ambitieuse et féérique, retraçant une réflexion sur l’impact du cinéma dans les dédales tourmentés de l’enfance. Jeu de piste au sein de la grosse pomme, « Le Musée des Merveilles », offre, en premier lieu, une reconstitution épatante du New-York des années 1920 et 1970, au sein duquel l’enfance s’emploie à une quête des étoiles. Cette prouesse n’est pas étonnante, puisque le long de sa filmographie, Todd Haynes n’a jamais cessé de bluffer avec ses voyages dans le temps, conçus avec une précision d’horloger. Cependant, ici, le réalisateur entretien une force esthétique particulièrement poétique, mais fragile, si bien que l’émotion se meurt dès qu’interviennent les dialogues.
Le problème du « Musée des Merveilles », c’est qu’il s’agit d’un film sur l’enfance fuyant la naïveté, devenant ainsi primaire et abandonnant sa féérie entre poussière et nostalgie. Bref, Haynes l’esthète se perd sur le territoire dickensien, au profit d’un formidable exercice de style, mais au prix d’une démarche floue, donnant lieu à un métrage intime mais en rien organique. Si certaines séquences sont touchées par la grâce, d’autres tutoient l’incompréhension. On a parfois l’impression d’assister à un véritable entassement de scènes, toutes aussi délicates les unes que les autres, mais tellement raffinées qu’elles finissent pas délaisser l’histoire à sa portion congrue. En quelques mots, « Le Musée des Merveilles » correspond à un enchainement de saynètes dans un même rayon d’antiquités. Il fallait bien Julian Moore pour remettre le film sur les rails, lors d’un dernier quart d’heure où Todd Haynes semble enfin réellement trouver sa sensibilité. Si le cinéaste filme ici la perte des repères pour mieux retrouver ses racines, il manque la case du rêve, et livre un métrage hermétique, tentant désespérément de trouver son chemin alors qu’il a déjà rendu son dernier souffle. Tout comme les excellents Oakes Fegley et Millicent Simmonds, Todd Haynes s’égare donc dans le labyrinthe des émotions.
« Le Musée des Merveilles » est, par conséquent, une déception, face à laquelle il était cependant difficile de bouder son plaisir (surtout quand on entend David Bowie). En réalité, tout le film réside en une phrase clé : « nous sommes tous dans le caniveau, mais certains regardent les étoiles ». C’est aussi un peu ça, le cinéma.