Un peu lent à se mettre en branle, le récit est présenté avec une certaine invention. Des mouvements de caméra, des personnages mystérieux filmés de façon détournée, une main ici, une ombre là ; le début du film est un peu abscons. Un peu lent aussi, mais cette lenteur ne se dément très peu tout le long du film.


Quoiqu'il en soit, Marcel L'Herbier a de l'imagination et de l'audace. Il tient bien son récit. La manière d'amener à l'écran son personnage principal, Rouletabille (Roland Toutain), est assez bien pensée. Dommage que cela manque un peu de nerf. Sans ce petit défaut, le film aurait une belle gueule de modernité.


Hélas, certains comédiens ont un jeu très théâtral, démonstratif à l'excès. Les comédiennes surtout en font des tonnes dans le larmoyant. Même Roland Toutain a un air enjoué trop souvent déplacé. Son sourire perpétuel semble destiné à son public complice de cette joie "tendance". Il va jusqu'à siffloter "dans la vie, faut pas s'en faire, moi, je ne m'en fais pas". Dans les moments de tension, il daigne enfin à prendre un air ténébreux et vindicatif. Entre les deux, point d'autre expression.


Si bien que j'ai été sauvé par l'ambiance que L'Herbier réussit à imposer. Pourtant, il ne parvient pas vraiment à souligner les enjeux du roman. C'est curieux. A mon sens, il joue plus sur l'atmosphère mystérieuse que sur les faits, que sur l'énigme logique sur laquelle butte l'enquête. C'est bien l'atmosphère générale, ces plans fixes dynamisés par un montage alerte, les bruits inquiétants dans la nuit ou le travail sur les ombres et les lumières qui font que ce film intrigue et garde éveillée la curiosité des spectateurs. Quand on a lu le roman de Gaston Leroux, on ne peut guère que se raccrocher à cela. Je ne suis pas sûr que pour un public "neuf" les mystères de l'histoire soient suffisamment mis en valeur pour le tenir en haleine sur 1h40.


En fin de compte, je ne suis pas bouleversé par ce film, mais j'en retiens une mise en scène parfois pertinente. Le jeu des comédiens n'aboutit qu'à donner une impression de dilettantisme par moments. Peut-être que ce type de jeu correspond à une époque qui reposait beaucoup trop sur la connivence entre les acteurs et le public, abandonnant parfois le cœur de l'histoire racontée? Entre le bonheur d'une ambiance mystérieuse et l'outrance mélodramatique des comédiens, ce film laisse un drôle de goût, d'inachevé, d'amateurisme, de joyeux bordel en somme. Comme si le metteur en scène était tout seul.


http://alligatographe.blogspot.fr/2015/04/mystere-chambre-jaune-herbier-toutain.html

Alligator
5
Écrit par

Créée

le 13 avr. 2015

Critique lue 780 fois

3 j'aime

Alligator

Écrit par

Critique lue 780 fois

3

D'autres avis sur Le Mystère de la chambre jaune

Le Mystère de la chambre jaune
greenwich
6

Le mystère de la chambre jaune (1930)

Il s'agit de la première adaptation parlante du célèbre roman de Gaston Leroux paru en 1907. Le son n'est pas de très bonne qualité, évidemment ... De même les bruitages ne sont pas vraiment réussis...

le 17 sept. 2014

3 j'aime

Le Mystère de la chambre jaune
Shawn777
4

Chambre close

Cette première adaptation parlante du roman "Le Mystère de la chambre jaune" de Gaston Leroux, réalisée par Marcel L'Herbier et sortie en 1930, n'est vraiment pas terrible ! Dans une chambre close,...

le 11 mars 2023

Du même critique

Cuisine et Dépendances
Alligator
9

Critique de Cuisine et Dépendances par Alligator

Pendant très longtemps, j'ai débordé d'enthousiasme pour ce film. J'ai toujours beaucoup d'estime pour lui. Mais je crois savoir ce qui m'a tellement plu jadis et qui, aujourd'hui, paraît un peu plus...

le 22 juin 2015

55 j'aime

3

The Handmaid's Tale : La Servante écarlate
Alligator
5

Critique de The Handmaid's Tale : La Servante écarlate par Alligator

Très excité par le sujet et intrigué par le succès aux Emmy Awards, j’avais hâte de découvrir cette série. Malheureusement, je suis très déçu par la mise en scène et par la scénarisation. Assez...

le 22 nov. 2017

54 j'aime

16

Holy Motors
Alligator
3

Critique de Holy Motors par Alligator

août 2012: "Holly motors fuck!", ai-je envie de dire en sortant de la salle. Curieux : quand j'en suis sorti j'ai trouvé la rue dans la pénombre, sans un seul lampadaire réconfortant, un peu comme...

le 20 avr. 2013

53 j'aime

16