Film sur les enfants, terrain glissant : de l’idéalisation béate à l’artificialité la plus embarrassante, les récits qui s’attachent à la prime jeunesse sont légions à s’empêtrer dans les clichés et les ratés.
Rudi Rosenberg prend le parti de ne pas jouer la carte d’une audace hors-norme : il s’agit de retranscrire, en scénettes assez variées, les tentatives d’intégration d’un nouveau venu dans son collège. Pas d’arc narratif, une évacuation très nette des adultes (comme la pratique Céline Sciamma dans Naissance des pieuvres ou Bande de filles) qui n’ont droit qu’à un repas initial dans lequel on établit clairement à quel point ils sont hors course. En guise de relai, l’adulescent attardé Max Bloubil assure des apparitions réussies, entre conseils rances en matière de drague ou coaching assez hilarant de clashs.
Restent donc les adolescents entre eux : un monde cruel, un brin désœuvré, dans lequel la caméra s’invite et semble ne jamais avoir manifesté sa présence. Si la distinction entre le groupe des populaires sadiques et des réprouvés peut lasser, elle n’en reste pas moins le reflet d’une réalité vécue par tous les élèves. Entre ceux qui gueulent le plus fort et ceux dont la différence les met au ban, la définition des places est spontanée. C’est moins ce constat que les mécaniques qu’il engendre qui intéresse le cinéaste. Stratégies foireuses, maladresses (de ce point de vue, les situations et les dialogues générés pas l’élève handicapée sont aussi acides que savoureux), ridicule et victoires modestes jalonnent un parcours dans lequel rien n’a plus d’importance que de se sentir écouté et aimé.
C’est là aussi la réussite du film : ne pas nous imposer les développements attendus pour récompenser l’identification aux perdants. La fête organisée par Benoit est un fiasco en terme de socialisation, son histoire d’amour suivra le même parcours, et la chorale finale n’est pas prétexte à une révélation publique de talents secrets. Parce que la vie est foireuse, les développements le sont aussi.
Car l’autre question que sous-tend cette chronique est bien celle de la transition : dans cet âge où la réputation et la pose importent plus que tout, il s’agit de violemment renoncer à l’enfance. Or, l’émancipation des protagonistes, qui assument l’humiliation et la mise au ban finale lors de la deuxième fête, est un acte militant d’immaturité : rire, bêtement, se draper du ridicule pour passer un bon moment. Dans ces élans spontanés se logent l’amitié et la sincérité de relation décapées d’un verni social totalement faux. Dans ces regards brillants de rires stupides peuvent naitre les prémices de l’amour. Grâce au jeu impeccable des comédiens, la justesse de leurs dialogues et le regard d’une grande justesse de Rudi Rosenberg, Le Nouveau restitue à merveille ces montagnes russes émotionnelles.
(6.5/10)