Le testament d'un vieux fou.
Pour je ne sais qu'elle raison, j'éprouvais une étrange fascination pour "Le passage" étant gamin. Ce premier long-métrage de René Manzor (frère de Jean-Félix et Francis "je parle aux arbres en portant des cuissardes" Lalanne) me laissait songeur, peut-être à cause du personnage de la Mort et de ce petite garçon prisonnier d'un dessin animé où le sang tien une place prépondérante.
Pur OFNI à sa sortie (et encore aujourd'hui) et gros succès à l'époque (dont la chanson geignarde du frangin Francis n'est peut-être pas étrangère), "Le passage" est une chose étrange, qu'il est difficile de juger, tant le fossé entre les intentions initiales et le résultat final est immense.
Bourré de bonnes intentions, "Le passage" transpire la sincérité, se pare d'une naïveté toute enfantine pour déclamer son message humaniste dont le summum est représenté par cette phrase au début du film: "Y a des choses que les adultes peuvent pas comprendre, y a que les enfants qui peuvent.". Tout est dit.
Donc oui je ne peux pas défoncer un film aussi honnête dans sa démarche que "Le passage", d'autant que le premier essai de René Manzor a le mérite de sortir des sentiers battus, notamment quand il inclut au récit des séquences animées (qui ont servit de démo d'ailleurs) de toute beauté et marquante dans leur représentation d'une violence envahissant le monde goutte à goutte.
Sauf que voilà, il faut bien l'avouer, la majorité du film sombre dans le ridicule et a affreusement mal vieilli, qu'il s'agisse de l'écriture (digne d'un gamin de dix ans), ou de la forme, maladroite et kitsch au possible. Difficile de garder son sérieux devant une mort de pacotille (à laquelle Daniel Emilfork prête sa gestuelle) observant le monde dans un vieux château le cul sur son fauteuil et devant des caméras et un vieil ordinateur, ou devant le surjeu d'un Delon également producteur pensant visiblement rafler un César.
Aussi généreux dans sa démarche que foireux dans son exécution, frôlant sans cesse le ridicule tout en étant capable d'une certaine émotion (la relation touchante entre Delon et le jeune Alain Musy, fils du cinéaste), "Le passage" est un objet étrange qui aura marqué mon enfance mais que j'aurais franchement préféré ne pas revoir, la réalité du monde des adultes n'étant pas toujours très tendre envers les souvenirs d'enfance.