Voilà un film étonnant, qui nous fait entrer dans des mondes qu’on ne connaît pas. Le passeur, ici, n’aide pas à franchir les frontières des Etats, mais celles de la mort.
Le film, daté de 1999, nous montre une autre époque, on voit une pervenche, des gens qui fument sur le zinc, mais le propos est toujours d’actualité, car il est question d’identité, et même d’identités au pluriel. Danielle Arbid est d’origine libanaise et son propos n’est pas sans lien avec le Liban, pays aux identités multiples.
Nous avons un réfugié politique kurde irakien qui cherche du travail en France, rencontre un recruteur plutôt méprisant qui a besoin de lui mais le tutoie comme un enfant, puis une famille africaine qui pleure un mort. Je ne sais pas quelle est l’origine du mort, qui a combattu pour la France et va être enterré dans son pays d’origine, mais on chante, on danse, on fête le mort. On comprend un peu mieux pourquoi par la suite : dans les cultures fortement imprégnées d’animisme, l’âme du mort est toujours là, il faut s’en protéger, et l’on s’assure ici qu’il ne viendra pas inquiéter les vivants.
Pourtant, le film montre la complexité, les évolutions et les « tensions » qui peuvent exister dans certaines familles : un jeune souhaiterait lui être enterré en France. Il est Français, il est intégré, et il ne voit pas sa mort en Afrique…
Le film est donc intéressant par ce rapport à la mort particulier qu’il met en avant, par le regard de l’autre sur cette relation aux morts. L’acteur qui joue le Kurde est excellent, il est un peu inquiet, notamment pour son collègue qui semble avoir été écarté (sans doute du fait de ses cheveux rouges qui pourraient être désagréables au mort), mais il est aussi à l’écoute, fasciné mais très respectueux de la demande de la famille. Il fait preuve d’une ouverture qu’on aimerait voir chez plus de Français...
On voit donc que les questions d’identité sont complexes, mais fondamentales : le rapport à la terre et aux morts est varié, et il faut respecter cela. Surtout ne jamais assigner une identité à un individu au prétexte qu’il ferait partie d’un groupe. Chaque individu est différent, il faut lui permettre d’être libre, même s’il a une origine étrangère, une couleur de peau, une religion, une sexualité ou une autre caractéristique qui semble le distinguer de nous.
Le film est intéressant, mais un peu court : le personnage du Kurde apporte de la nuance dans un scenario et une durée de film qui ne permettent pas toujours d’éviter la caricature (notamment le patron). C’est parfois le problème des courts métrages. Les question abordées ici mériteraient largement un film beaucoup plus long !