Quand Jacques Doillon se prend pour Truffaut, il poursuit l'idée jusqu'à se dire : "pourquoi ne pas refaire les 400 coups ?" Idée saugrenue s'il en est, le film de La Truffe étant déjà passablement surestimé (comme une très grande partie de son cinéma, soit dit en passant).
C'est donc l'histoire de Marc, ado mal dans sa peau (pléonasme), issu d'un milieu pauvre et en quête de stabilité. Lorsqu'il apprend (coup sur coup) que son énième beau-père a ramené un flingue à la maison et que sa mère lui a menti au sujet d'une grande soeur (qu'elle prétend morte alors qu'en fait elle vit ailleurs), Marc pète le dernier câble qui lui restait, prend l'arme et va braquer (d'une façon totalement risible) un magasin. Arraisonné par Gérard, un policier qui le connaît bien, il le prend en otage et décide de partir à Montpellier retrouver sa sœur Nathalie.
Le scénario est sympa et aurait pu donner un bon film, mais Doillon emploie une mise en scène qui m'a horripilé. Tout ici est sur-joué, sur-cadré, sur-martelé. Les sur-cadrage par exemple : Marc est constamment filmé dans un décor qui l'emprisonne, au milieu des barreaux, etc. Volonté de marquer une sorte de prédestination sociale du personnage (genre : quand on vient de ce milieu, on est emprisonné dans une certaine catégorie sociale dont on ne peut s'échapper). Mais surtout réalisation qui assène ses idées à coups de marteau, une heure et demi durant.
Pareil pour le jeu des acteurs et les dialogues. Aucun naturel là-dedans. Gérald Thomassin (dont on disait le plus grand bien à la sortie du film) joue comme un singe savant qui a bien appris son texte et le récite devant la caméra. Dans un film où les dialogues ont une telle importance, il y avait plutôt intérêt à les soigner, mais le problème, c'est que tout y est trop littéraire, trop peu crédible dans la bouche d'un ado de cité.
Les acteurs passent leur temps à se tourner autour (ou à tourner autour de tout ce qui passe à leur portée : voiture, arbres, cabine téléphonique...). Au bout d'un moments, ces circonvolutions d'astres qui jamais ne se croisent ni même se regardent alors qu'ils n'arrêtent pas de se parler, ça gonfle un peu.
Et puis, comme on est chez Doillon, on a droit à la crise d'hystérie. Ici, c'est Clotilde Courau qui s'y colle, et elle vachement crédible en ado qui, dix minutes après avoir découvert l'existence de son frère, décide de braquer un flic simplement pour pouvoir être emmenée au commissariat de Sète...
Oui, parce que, j'ai oublié de le dire, mais tout ce beau monde s'engueule pour savoir dans quelles conditions on ira au commissariat. D'ailleurs, pendant toute la seconde moitié du film, les dialogues sont entièrement répétitifs et l'action stagne : Nathalie veut que l'on mente aux policiers pour atténuer la peine encourue par son frère, Gérard (le policier) veut ramener tout ce beau monde à la police et dire qu'on lui a tiré dessus et Marc fugue toutes les cinq minutes.
Doillon veut trop donner à son film l'étiquette "cinéma d'auteur". Du coup, ça en devient ridicule.Un petit coup de Truffaut, un petit coup de Rohmer, le directeur de la photo de Godard et Rivette (l'excellent William Lubtchansky) : la vénération du cinéaste pour la Nouvelle Vague française l'entraîne à faire un film bâtard, à mi-chemin entre le naturalisme à la Pialat et la création à la Rohmer, quelque chose qui, finalement, ne ressemble à rien.

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le 8 nov. 2013

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SanFelice

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