De la note d'intention de Xavier Beauvois, il ne reste manifestement pas grand chose. En effet, ici, pas de fusillade spectaculaire, de chasse à l'homme haletante, d'affaires glauques ou de règlements de comptes entre services. Seulement la réalité du terrain et du quotidien au sein de la police. Vue par un petit nouveau. Qui observe, qui apprend, qui ne peut encore prendre d'initiatives. Le métier qui rentre, peu à peu. Le réalisateur se targue d'avoir le souci de montrer, via une réalisation sobre et dépouillée, la vérité quasi documentaire et anthropologique de l'homo policius. Louable intention. Si de rares situations, tout au long du film, essaient de sonner juste, les clichés vont pourtant bon train et sont enfilés tels les perles de plastique par un enfant besogneux qui fait un collier en prévision de la fête des mères. Jugez plutôt : alcool (forcément), buvette toujours ouverte, extrême droite au détour de conversations grasses (une évidence), rapport au métier, tensions dans le couple, éloignement de la première affectation, solitude, le flic issu de l'immigration... N'en jetez plus.


Beauvois les met en scènes, ces poncifs, pour illustrer des vies mornes qui n'intéressent que très peu, à coup de saynètes du quotidien ennuyeuses, de portes ouvertes enfoncées à grands coups de bélier et de scènes aux dialogues plats et déclamés dénués de toute vraisemblance, à l'image des instants partagés entre Nathalie Baye et Jacques Perrin, confondants d'artificialité. Mais cela, au final, ne serait pas encore très grave si le souci de vérité était constant. Or, le monde merveilleux de Xavier Beauvois fait sourire, au point parfois de se demander s'il a déjà mis les pieds dans un commissariat.


Car, dans le monde merveilleux de cette Île aux Enfants toute en nuances de bleu, les interrogatoires de victimes ou de témoins étrangers, tout comme les séances d'identification, peuvent avoir lieu en pleine rue (?), sans la présence d'un traducteur assermenté (re ?). Les enquêtes disciplinaires, elles, ne se résument qu'à une seule question : qu'est-ce que vous avez bu ? Les auditions, enfin, se passent toujours sans le moindre ordinateur, ni le moindre procès verbal à signer (??). Car la paperasse, pourtant reine dans le beau pays de l'administration française, bah, dans l'Île aux Enfants, c'est superfétatoire et ennuyeux, sans doute. Et pas très cinégénique. Mais quel hic quand on s'affirme en porte étendard d'un cinéma vérité qui n'en a, finalement, que le nom pompeux et qui n'hésite pas le moins du monde à montrer des procédures d'un fantaisiste alarmant.


Difficile dans ces conditions de s'attacher à des personnages sans saveurs, d'autant plus que celui qui représente la porte d'entrée du spectateur dans l'univers que Beauvois arpente, on s'en débarrasse purement et simplement à la moitié de l'oeuvre. Parce que... Derniers sentiments que l'on aurait pu éprouver à jamais enterrés. La séquence de l'enterrement, justement, sera le dernier soubresaut émotionnel du spectateur. Ensuite, ce ne sera que traque molle insipide et dénouement à l'emporte pièce. pas très réjouissant.


Au risque, encore une fois, de passer pour un ignare, tout standardisé et romancé qu'il soit, le cinéma d'Olivier Marchal peut être ressenti comme bien plus réaliste (et non pas "réel") et traversé d'une impression de vécu viscéral qui lui donne toute sa chair, que ce film aux ambitions aussi petites que le lieutenant de son titre.


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le 27 mai 2015

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