Déception. c'est le mot. Cruelle, à la mesure de mon attente, dès les premières bandes annonces et leurs quelques secondes d'animation image par image à la fois naïve, simple et superbe. Mark Osborne semblait ainsi avoir capturé l'esprit de Saint-Exupéry. Quelques mois plus tard, l'ajout d'une partie en animation 3D promettait quant à elle un parallèle très intéressant, même si on sentait que Le Petit Prince, en tant qu'adaptation, ne tenait plus, au sein du projet, un rôle prépondérant.
La fin de la projection laisse un drôle de goût en bouche. Ainsi, le réalisateur dilapide en quelques minutes tout le capital sympathie de l'oeuvre, en décrivant de manière totalement grise et hors-sujet la vie monotone et mise en coupe réglée d'une petite fille et de sa mère solo totalement névrosée et control freak. L'irruption du papier crépon et d'une l'animation simple image par image redonne confiance : il s'agit là, enfin, de l'adaptation du Petit Prince. Enfin, de ses passages les plus connus. Car il ne faut pas s'attendre à ce que le bouquin fasse l'objet d'une adaptation complète, vous seriez déçu. Non, il faut bien qu'Osborne case son histoire naïve d'enfance contrariée dans son insouciance et son imaginaire par l'autorité, quelle qu'elle soit : la mère, les voisins, le représentant des forces de l'ordre ou encore l'école.
Ainsi, Le Petit Prince est réduit à l'état de vignettes, très belles au demeurant et un peu poétiques, mais à la magie éteinte, qui sont collées sur l'histoire originale mineure en 3D afin de surligner lourdement au stabylo le propos finalement assez simpliste du réalisateur. A tel point qu'on se croit en visite bénévole dans une maison de retraite, devant une vieille personne un peu gaga qui ne se souvient plus de ce qu'elle vous a dit la minute d'avant. Cela dénote l'orientation du projet : mettre le livre à portée des touts petits et pour ce faire, tout bien leur expliquer. Jusqu'à vider le livre de son principal intérêt : son pouvoir sur l'imagination qu'il suscitait sur un lecteur qui se laissait guider dans l'univers de Saint-Exupéry.
Pourtant, avec moins de lourdeur et de maladresse, et considérant les capacités d'Osborne, celui-ci aurait pu tirer bien autre chose de cette adaptation. En témoigne la longue séquence entre cette petite fille et ce vieillard un peu loufoque, qui s'apprivoisent mutuellement, comme le Petit Prince et le renard. Ou encore cette fugace visite de la remise, où l'héroïne découvre le goupil en peluche, avant que cette scène ne sombre dans le mièvre et l'explicatif.
Si certains hurleront à l'outrage, d'autres seront simplement consternés. Surtout en constatant qu'Osborne, alors qu'il est dénué de la simplicité et de l'imaginaire débordant de la plume de Saint-Exupéry, se mêle
d'inventer une pseudo suite à l'oeuvre et de faire grandir le Petit Prince pour le faire rentrer dans le rang de la maturité et de la morosité.
Il prend en outre bien soin de dénuer son avatar de toute magie originelle, plongeant le film dans une standardisation effrayante de la moulinette américaine réclamant de l'action, du climax artificiel et des bons sentiments.
Ainsi, ce Petit Prince, s'il désire avoir la tête dans les étoiles, conserve ses pieds bien ancrés par terre, à force de simplification extrême de son propos et d'une histoire originale encombrante et plombante, telles les bottes en béton d'une innocente victime de la mafia calabraise qu'on aurait jeté dans la Méditerranée.
Quant à Saint-Exupéry, assis sur son astéroïde B 612, il doit certainement verser une petite larme.
Behind_the_Mask, qui cherche Le Petit Prince dans sa bibliothèque.