Souple comme la justice

Même s'il n'est généralement pas cité parmi les plus grands réalisateurs du septième art, John Sturges s'est essayé avec succès, au cours de sa longue et prolifique carrière, à presque tous les genres : western, guerre, aventure, thriller, etc. Son sens de la mise en scène, sa qualité dans la direction d'acteurs et sa science des scènes d'action lui ont valu de signer un nombre important des grands classiques de l'entertainment hollywoodien. Dans Le peuple accuse O'Hara, il effectue l'une de ses rares incursions dans le film noir, et avec sa maîtrise habituelle offre un bon suspense bien ficelé.

Le point de départ de l'intrigue est une erreur judiciaire classique : un homme, O'Hara, est arrêté pour le meurtre de son employeur. Sa voiture a été identifiée sur les lieux du crime, un témoin a vu un homme de sa corpulence tirer les coups de feu, et l'intéressé n'est pas en mesure de fournir un alibi solide sur ce qu'il faisait au moment de la fusillade. Ami de ses parents, l'avocat James Curtayne accepte de prendre sa défense. En menant son enquête, il se rend vite compte que son client ne lui a pas tout dit. Mais sans preuves, son duel juridique face au rigoriste procureur Louis Barra est perdu d'avance... Au bout d'une grosse heure de polar classique (enquête, procès, subornation de témoin), le film prend une tournure assez inattendue lorsque sont dévoilées les raisons de l'innocence de O'Hara. Rivaux au tribunal, Curtayne et Barra unissent alors leurs efforts pour attraper le véritable meurtrier la main dans le sac, et le réalisateur saisit l'occasion fournie par ce revirement scénaristique pour livrer une longue scène finale tendue et magistrale.

Impeccablement filmé dans un beau noir et blanc, The People against O'Hara offre à Spencer Tracy un rôle sur mesure d'avocat veuf, vieillissant et alcoolique, materné par sa fille dévouée qu'interprète la charmante Diana Lynn. Face à lui, John Hodiak fait aussi bien le boulot en procureur austère mais intègre. Sans être parmi les meilleures œuvres du genre, ni même parmi les grands succès de Sturges ou Tracy, on a là un bon film noir qui tient toutes ses promesses.