Un film dense, de forme composite, poétique et définitivement cinématographique ! The Stray White and the Speckled rend compte d'une technicité et d'une modernité pleinement savoureuses : avec pas moins d'une idée par plan l'oeuvre la plus célèbre du grand Sergueï Soloviov exécute sa maestria visuelle au gré de panoramiques composant intelligemment l'action, de plans d'ensemble concoctés dans la concision et de fulgurances oniriques signifiant les ruptures de ton... Une écrin singulier à forte portée symbolique, de nature hybride dans le traitement de ses thématiques, à la frontière de l'épopée et de l'intime.
La blanche colombe du titre, mystérieux objet de convoitise pour les purs comme pour les pervertis, constitue le vecteur principal d'un film à forte visée narrative : car si les influences du réalisateur soviétique sont à chercher du côté de Sokourov et de Tarkovski ( et donc vers un cinéma méditatif, contemplatif...) le long métrage que représente The Stray White and the Speckled forme surtout un véritable conte. On pourrait banalement dire que Sergueï Soloviov s'efforce avant tout de raconter une histoire... à la différence de l'auteur du Miroir, dans la mesure où Tarkovski bousculait les repères chronologiques de son récit au profit de la poésie pure ; quant à l'influence sokourovienne présente tout du long via un style visuel protéiforme, sciemment disparate, elle se trouve agrémentée d'une réelle progression, d'une réelle évolution narrative. D'une fable à la fois simple et prenante.
L'oeuvre de Soloviov, pour le moins épatante et riche à plus d'un niveau, n'a finalement que très peu recours à la contemplation, lui préférant les personnages et les situations. Douée d'enjeux scénaristiques solides elle montre, sous la forme de la parabole, un jeune héros torturé, belliqueux, courageux et avide de pureté devant faire face à une étrange milice de pirates ruraux. Le potentiel poétique du film, tangible au détour d'une introduction spatiale ou d'une scène montrant le cadavre d'une actrice sous la lumière d'un ciel étoilé, concurrence élégamment l'écriture très soutenue du métrage ( le film reste étonnamment bavard, très dialogué...). Il faut parfois s'accrocher pour comprendre toutes les subtilités d'un film complexe et simple dans le même temps, d'une oeuvre plastiquement ravissante qui exhausse Sergueï Soloviov au rang des maîtres. Superbe.