Le Brouillon des polars hallucinatoires
Bon j'ai vu ce film dans une VF absolument abominable ce qui ne doit pas aider, plus pour les personnages secondaires que les rôles principaux d'ailleurs.
(ATTENTION SPOILER)
Lee Marvin (je vais l'appeler comme ça, ça sera plus simple, surtout que je n'ai plus aucun souvenir des noms des personnages), est poussé par son pote à faire un casse dans la prison morte d'Alcatraz où des malfrats font passer de l'argent. Le pote de Lee va finalement le doubler, le flinguer puis repartir avec sa femme.
Mais comme tout le monde le sait, Lee Marvin est un roc insubmersible (à moins qu'il ne soit déjà mort, mais ça c'est peut-être le côté mindfuck précurseur du film), il se relève, parvient à grimper la grille et à rejoindre à la nage le continent.
Après il marche, et ses pas résonnent de partout, dans les différentes diégèses éclatées, ils résonnent encore et toujours comme dans un horrible cauchemar. Il retrouve sa meuf, puis assez rapidement son vieux pote, après une enquête assez bâclée, et ce dernier finit par mourir comme un couillon (dans la pire chute d'un immeuble de toute l'histoire du cinéma, je crois avoir rarement vu un fx aussi hideux et grotesque),
Bon là étrangement le film ne se termine pas, car la motivation de Lee Marvin a évolué, il ne s'agit plus simplement de se venger, mais aussi de récupérer sa part de pognon, du coup il se dirige vers les commanditaires de son ex pote, une certaine Organisation, une sorte d'hydre de lerne terrée dans les bureaux informes de buildings d'affaires, modernes et hideux. En effet il suffit qu'un dirigeant meurt pour qu'un autre apparaisse derrière comme autant de têtes coupées régénérées.
Le film se termine au point de départ d'Alcatraz, où Lee Marvin après avoir finalement refusé de récupérer l'argent qui lui est dû (on se demande bien pourquoi, même si on peut à peu près tout justifier par l'absurdité de la quête cependant) disparaît dans la pénombre, et le cauchemar se boucle.
(FIN SPOILER)
Le problème du film, c'est que depuis, des thrillers/polars mêlant allègrement fantasmes/réalités du héros on en a vu un paquet et en mieux
Ici Boorman s'adonne à quelques vagues expérimentations visuelles ou sonores, dans un brouillon de ses mises en scènes futures (je pense notamment à leo the last), un parti-pris légèrement psychédélique, avec des effets un peu artificiels, un peu bidons, (quoi le mélange nouvelle vague/polar noir, se traduirait donc par trois flashback de 10 secondes casés un peu aléatoirement dans le film, un montage légèrement heurté, une scène d'amour délirante à 4, et une voix-off tentant le mystère et le trouble ?)
A défaut d'un scenar (franchement nanardesque en l'occurrence) un tant soit peu intéressant, le film repose donc essentiellement son originalité sur ces effets, en créant un peu trop artificiellement à mon goût cette atmosphère de rêve/cauchemar.
Il y a des problèmes d'écriture avec des passages franchement confus (j'ai mis 10 minutes à comprendre que la première nana était morte, au début j'ai cru qu'elle dormait tout simplement/ une autre scène où un type au loin tire sur je sais pas quoi et se fait arrêter par les flics vers le milieu du film, et disparaît de la circulation sans qu'on ne sache de quoi il était question, ce qui me donne l'impression qu'il y a eu des vilaines coupes au montage), il y a aussi des longueurs (alors que ça ne dure qu'1h30), une Angie Dickinson globalement totalement inutile (et qui ralentit le rythme), une organisation un peu ringarde dans le fond avec avec des comédiens vraiment pas charismatiques.
Après le film dans sa construction est intéressant, il laisse différentes interprétations possibles (même si aucune de celles que j'ai pu lire, car j'ai fait des recherches avant de poster cette critique totalement bordélique, ne m'a convaincu). La fin surtout a de quoi laisser sur le cul et perplexe, tant la quête du héros fantôme est absurde et déroutante.
Et puis bon Lee Marvin, il en jette, et sa légende se crée instantanément, dès la scène du bateau-mouche du début du film. Et surtout le plus dingue quand même c'est qu'il ne fait strictement rien! C'est la grande faucheuse, Il ne tue personne, alors que c'est clairement pas l'impression laissée après avoir vu le film, car il subsiste tout de même un paquet de cadavres derrière lui!
Enfin le gros atout du film, qui préfigure les futures qualités évidentes de Boorman c'est son travail sur les décors, sur leur identité, sur leur configuration spatiale, sur leur appréhension par le spectateur, sur leur vie, sur leur logique interne. Que ce soit dans la scène d'infiltration du bâtiment où se cache le traître, avec son organisation, le va-et-vient des gardes (on est dans du splinter cell avant la lettre), la méthode de diversion, ou même la scène de la villa complètement vide qui prend vie (la musique, le grille-pain et tous les ustensiles de cuisine s'allument, ainsi que les lumières au gré des déambulations inquiétantes de Dickinson), et le cirque final d'Alcatraz plongé dans l'obscurité, et forcément impressionnant.
Pas un mauvais film dans le fond, mais quand même pas le film du siècle.
EDIT : le montage du film est quand même assez énorme!