L'Allemagne déleste
Il y a en fait deux films dans ce Pont des Espions, et le plus réussi des deux n'est pas celui auquel on pourrait penser. La première partie est, de fait, bien mieux qu'une simple mise en place...
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le 9 févr. 2016
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Steven Spielberg vous avait manqué depuis son Lincoln (sorti en 2012 aux États-Unis) ? Qu’à cela ne tienne, le réalisateur s’était permis une pause de quelques années afin de choisir ses futurs projets, qu’il souhaite enchaîner à la manière d’un Woody Allen ou bien d’un Clint Eastwood. Ainsi, dans les mois à venir, nous aurons droit à du fantastique avec Le Bon Gros Géant, de la science-fiction avec Ready Player One et des retrouvailles avec Indiana Jones 5 (dont il est de plus en plus question actuellement). Mais en attendant, le cinéaste revient au cinéma historique avec Le Pont des Espions, un drame sur fond d’espionnage qui parvient à faire l’unanimité auprès des critiques et du public. Et en voyant le long-métrage, on peut comprendre cet engouement !
Il est vrai qu’un temps, Spielberg avait pour envie de réaliser un James Bond (ce qui avait amené son ami George Lucas à lui offrir sur un plateau d’argent Les Aventuriers de l’Arche Perdue). Mais ici, bien qu’il soit question d’espionnage, vous n’aurez nullement droit à de l’action et encore moins à de l’exotisme, à des gadgets en folie et à des antagonistes si caractéristiques. Dans Le Pont des Espions, c’est une part de l’Histoire qui intéresse le papa d’E.T., à l’instar de ses dernières réalisations (Munich, Cheval de Guerre, Lincoln). Et pour le coup, il tente de porter sur grand écran le script de Matt Charman (réécrit par les frères Coen) en se rapprochant le plus possible de la réalité. Connaissant la minutie et le savoir-faire imparable de Spielberg, ce que confirme sa prestigieuse filmographie, il n’y avait aucune raison à ce que le résultat final déçoive. Que ceux qui en doutaient tout de même se rassurent : Le Pont des Espions est digne de son réalisateur !
Alors qu’il aurait très bien se contenter d’une reconstitution matérielle (costumes, décors, véhicules et autres accessoires) d’excellente qualité pour décrire l’époque de la Guerre Froide, Spielberg use avant toute chose du scénario pour parvenir à ce fait. Il vrai que l’ensemble peut se montrer bavard (un peu comme l’était Lincoln) voire même romancé au possible (renseignez-vous sur la véritable identité du personnage de Rudolf Abel et vous verrez bien !), mais Le Pont des Espions, dans son ensemble, se montre passionnant de bout en bout. De part des répliques et des personnages savamment travaillés, le réalisateur nous livre une version bien plus réaliste de cette période historique que la plupart des autres films ayant déjà traité ce sujet. Ici, il n’y a pas de gentils américains devant contrecarrer les plans des méchants communistes. Mais plutôt deux camps opposés qui, malgré leurs différends politiques, se ressemblent en tout point dans leurs faits et gestes : doctrine basée sur la peur (les vidéos sur le nucléaire) et le rejet de l’autre pouvant amener à un lynchage public et à une paranoïa quasi constante. Sans pour autant oublier certaines de ses thématiques (la famille, le regard de l’enfant), Spielberg, via ce récit, nous adresse une leçon de vie. Celle stipulant que c’est en réalisant les bonnes choses inopinément (comme le fait le personnage joué par Tom Hanks) que l’on arrive à un juste équilibre, à une sorte de paix. Et que se plier à des questions personnelles et à la peur que cela engendre (comme la politique dans ce film) font perdre aux gens toute humanité (des agents se montrant indifférents à un pauvre étudiant, l’édification du mur de Berlin…). Une leçon universelle qui se révèle encore exacte de nos jours, surtout avec les récents événements survenus à Paris : d’un côté des extrémistes enfermés dans leur endoctrinement, de l’autre des citoyens ordinaires touchés par la peur au point de conspuer des personnes n’ayant rien à voir avec les terroristes ; les deux camps se montrant ainsi inhumains à leur manière. Comme quoi, Spielberg a bien eu raison de nous parler de Guerre Froide, un sujet un temps obsolète qui refait malheureusement surface à l’heure actuelle.
Hormis tout ce soin apporter à l’écriture, Le Pont des Espions se révèle être un long-métrage ayant une classe folle. Pour sa reconstitution des années 50-60 (comme il est dit dans le paragraphe précédent), mais surtout pour l’ambiance qui s’en dégage. En alliant une fois de plus la somptueuse photographie de Janusz Kaminski, le sens du montage de Michael Kahn, un casting d’excellente facture (mené par un Tom Hanks toujours aussi impérial) et sa très bonne mise en scène, Spielberg nous hypnotise comme à son habitude et nous transporte dans son film sans la moindre difficulté. Le réalisateur parvient sans mal à nous toucher, nous choquer, nous émouvoir grâce à cette savoureuse alliance de talents, prouvant qu’il n’a rien perdu de sa superbe et ce malgré son âge (68 ans). Alors que d’autres cinéastes de sa trempe se sont perdus au fil des années (George Lucas, Brian De Palma, Francis Ford Coppola). Juste un bémol à soulever : la musique de Thomas Newman. Si elle n’est pas exempte de qualités, elle nous fait tout de même regretter John Williams, absent du projet pour raison de santé (et, il faut bien le dire, le bonhomme n'est plus tout jeune). Et comme il signera sa dernière composition avec Star Wars : le Réveil de la Force, autant dire que cet immense artiste nous manque déjà, comme en témoigne Le Pont des Espions.
Le roi du cinéma hollywoodien montre avec Le Pont des Espions qu’il est toujours là, en nous offrant un véritable moment de cinéma qui n’a pas besoin d’un budget faramineux (40 millions de dollars) pour exister, contrairement à tout ce que peuvent penser les studios. La relève est sans doute assurée avec des réalisateurs tels que Christopher Nolan, J.J. Abrams et Brad Bird, mais Steven Spielberg n’a pas encore dit son dernier mot, et il nous tarde déjà de voir son prochain film (Le Bon Gros Géant), prévu pour juillet 2016.
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Créée
le 2 déc. 2015
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