Le Pont des Espions



Dernier film en date de Steven Spielberg. Avec en plus, un scénario réécris par les Frères Coen (de quoi compenser leur absence cette année).


Il s'agit bien entendu, de la catégorie sérieux des films de Spielberg (trois fois de suite avant de revenir au divertissement avec Disney grâce à Le Bon Gros Géant).
L'intrigue de ce film se concentre sur un incident réellement arrivé. L'Incident de l'U2 (l'avion, pas le groupe)


ainsi que l'échange de prisonniers sur le Pont de Glienicke (le fameux pont).


Que ce soit divertissement ou sérieux, Spielberg a toujours fait preuve d'une grande maîtrise. Je suis plus initié aux Spielberg divertissant mais voir son nom sur n'importe quel film me ferait payer un billet. Et Spielberg ne m'a jamais déçu. Car le fait est que Le Pont des Espions ne m'a pas déçu.


Nous suivons l'histoire de l'incident de l'avion espion U2 qui est arrivé en 1957 et qui marqua de grandes tensions durant la Guerre Froide.


Mais le film se passe en deux temps. La première partie en Amérique avec l'affaire de Rudolf Ivanovitch Abel, un Russe appréhendé par le FBI avec James Donovan (Tom Hanks) un avocat qui accepte de le défendre au droit que tous les êtres humains ont le droit d'être défendu.
La seconde partie se concentre pleinement sur l'U2, avec le pilote Francis Gary Powers qui se fait arrêter par l'Union Soviétique. Avec James Donovan qui doit négocier un échange.


Déjà, pour un film sur la Guerre Froide, je félicite Steven Spielberg de ne pas avoir mis au premier plan la différence d'idéologie Capitaliste/Communiste. On se concentre sur le plus important, l'histoire et ses enjeux (en l'occurrence, l'échange de prisonniers). Ainsi que les conséquences que ça pourrait avoir si cela tournait mal (si toutefois ça arrive).


Et Spielberg arrive une fois de plus à être juste avec ses personnages ainsi que l'image que nous devons avoir d'eux pour pleinement apprécier le film.


Pendant la première partie du film avec Donovan qui défend Abel. Donovan ne sait même pas si Abel est un espion pour de vrais, il se fiche de le savoir car espion ou pas, il doit être défendu. Or, nous le savons qu'il est espion car nous avons Abel à l'oeuvre. Et c'est une excellente idée de nous avoir dit au début qu'il s'agit d'un espion. Car si on ne avait pas montré que c'est le cas, on se serait trop concentré sur le questionnement de si c'en était un. Grâce à ça, on se concentre bien sur le plus important: le procès contre lui. Avec ça, on souhaite la même chose que Donovan, défendre un homme qui possède le droit fondamental d'être défendu.
D'autant que Abel n'est pas montré comme un méchant, même en sachant que c'est espion, on veut qu'il soit défendu. En fait c'est simple, il n'y a pas de gentil ou de méchant dans ce film. Juste les enjeux. Et c'est exactement ce que nous souhaitons (d'ailleurs, j'ai beau chercher, il n'y a aucun méchant dans le côté sérieux de Spielberg, juste les personnages tous mis en valeur sur un pied d'égalité).


Et les personnages d'ailleurs, sont tous réussis. Tom Hanks incarne très bien James Donovan. Il surprend et fait sourire même, avec son assurance et sa perspicacité. Il est même très humaniste et fait tout pour que tout ce passe bien pour tout le monde. Dans un film où personne n'est méchant, ce personnage incarne le parfait héros.
Mark Rylance qui incarne Rudolf Abel est très bon aussi. Son personnage est très stoïque mais on sent quelque chose quand il raconte quelque chose sur lui. Il incarne une sorte de personnage résigné à ce qui lui arrive sans pour autant perdre de vue sa situation (je suppose que c'est logique car les Soviétiques devaient prendre des espions aux nerfs d'acier).
Austin Stowell qui incarne le fameux Francis Gary Powers apparaît très peu et pourtant, il joue toujours juste. Le peu qu'il apparaît montrant toujours des scènes où il a l'occasion de jouer différemment à chaque fois et des moments marquants pour chaque être humain.
En plus, il est important de noter que Peter McRobbie (qui n'apparaît que environ trois minutes) joue un Allen Dulles très fidèle à l'histoire (regardez la photo wikipédia, vous verrez de quoi je parle).


Pour la musique, on a droit à Thomas Newman. Et sa musique apparaît très peu certes mais est toujours excellente. L'absence de musique rend même certaines scènes plus prenante. Et la musique où Donovan est pris en filature donne un bon côté suspicion. Et c'est basique mais bien exécuté de mettre des musiques avec des chœurs pour les scènes en Russie et en Allemagne. Et le thème de fin est génial. Une fois de plus, une excellente bande-originale.


L'histoire c'est de la politique mais on arrive à très bien suivre.


La partie où Donovan doit défendre Abel est même très facile à suivre. Du fait que l'on nous montre pas le procès, tout simplement. Juste le verdict (l'enjeux n'est pas sa libération après tout). Et ensuite on se concentre sur les débats que Donovan entretient avec les divers responsables pour avoir la libération de tous le monde. Et le tout est étonnamment facile à suivre.


Et en plus, Donovan fait tout ça en dépit des risques qu'il prend au nom de ses convictions, comment ne pas suivre une si bonne histoire avec ça ?


Et le tout est également ponctué des conséquences des événements. Avec un ton juste pour l'atmosphère très ambigus de l'époque.


Donovan est victime de toute les haines possibles qu'avaient les Américains pour les Communistes parce qu'il défend un homme pointé du doigt comme un espion.
Et la séquence en Allemagne avec l'étudiant qui se fait arrêter. On voit carrément la construction du Mur de Berlin avec l'exode massif que cela entraîne. Avec aussi Berlin-Est détruit et sale.
Et j'accorde même de l'importance à la scène où Gary Powers se trouve dans le tribunal Soviétique. Avec tous le public qui applaudit à l'unisson (n'oublions pas que c'est L'URSS).
Et bien sûr, la scène où Donovan voit une famille allemande se faire tuer en tentant de traverser le Mur.


Et le montage m'a surpris à certains moments. Déjà, le montage est correct car on arrive à suivre l'histoire sans problème.
Mais il y a aussi la séquence où chaque action passe à une action dans la scène suivante


(On dit aux pilotes qu'ils vont voir les outils qu'ils utiliseront, la scène d'après on nous présente des appareils photos que Abel avait chez lui. Ensuite au tribunal, le juge dit "levez-vous et on voit une salle de classe se lever).


J'aime bien ça car ça montre que tous les événements sont intimement liés entre-elles. Pas dans le film, mais en tant qu'événements durant la Guerre Froide. L'enseignement, l'enquête et le droit.


Et Spielberg monte bien la suspicion dans ce film.


Notamment avec les éléments qui pourraient être du faux ou du vrai. Vogel qui tremble et qui se trompe de noms (ça pourrait très bien être des imposteurs, je vois mal cette femme jouer de la harpe comme le dit Abel), le diplomate Russe qui connaissais la marque de manteau de Donovan etc.


Et la séquence avec l'échange est emplie de suspens (imaginez, une seule bourde pouvait provoquer la Guerre Nucléaire). Et la musique est très bien formuler à ce moment du film.


Et la fin est très bien réalisée,


les leitmotivs qui reviennent (le lit, le dialogue de Donovan et d'Abel sur l’inquiétude, "l'Homme debout", le grillage). Ce qui est bien avec ça, c'est que Spielberg a mis ces éléments en place sans qu'on puisse imaginer que ça reviendra ensuite.


Et à la fin aussi, la musique était très peu présente mais à la fin. On a droit au festival. Plus aucune scène sans musique. Et la musique est tellement bonne que ça marque.


Bref, Le Pont des Espions est un autre Spielberg a mettre dans ses réussites. Il n'est peut-être probablement pas aussi mémorable que Il faut sauver le soldat Ryan ou La Liste de Schindler, mais il arrive à être excellent malgré tout. Et j'ai hâte de le revoir pour Le Bon Gros Géant.

Housecoat
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le 5 déc. 2015

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