Le Pont du Nord par renardquif

-Un Thriller français de Jacques Rivette. La première fois il y'a quelques années de cela je n'avais pas aimé ce film, certainement parce que je l'avais vu comme j'aurai vu un film d'auteur, erreur énorme, car il ne s'agit pas d'un film d'auteur mais d'un thriller, autrement dit, le film n'a pas de rapport direct avec le réel, mais un rapport métaphorique avec le réel, une fois qu'on a saisi cette idée toute simple toute bête mais capitalocapitale, on prend le film pour ce qu'il est, et on peut le juger selon son genre, selon ses codes à lui : Une histoire, des personnages contrastés, un mystère, un dénouement. Or, là, on se rend compte que dans tous ces "petits domaines" du genre, le film apporte des nouveautés propres, des choses tout à fait originales et charmantes, des contradictions intéressantes même, toujours surtout cette contradiction de la forme et du fond qui est la base des bons films de Rivette : Il filme un thriller avec le filmage d'un film d'auteur, contradiction évidente (c'est la contradiction même de cette bonne génération de cinéastes d'ailleurs, car Godard lui fait le contraire par exemple, il filme un film d'auteur comme un thriller, ce qui fonctionne aussi, l'important est de relier des choses contradictoires, d'unir) mais qui fonctionne parfaitement et qui a l'énorme avantage d'éviter de traiter le réel de front car, comme le dit si bien le film : "La vie réelle, c'est le règne de la terreur". Je crois que c'est là l'héritage américain de tous les films américains qu'il a absorbés avec passion qui a permis à Rivette - du moins pour un temps car ces Belle noiseuse ou Bande des quatre qui viendront plus tard sont mauvais, d'éviter certains poncifs de créer des pistes nouvelles et de surfer sur le sujet au lieu de faire l'erreur de s'y aventurer sérieusement : C'est exactement ce que fait ce Le pont du nord, c'est un thriller qui surfe, liquide, fuyant, toujours fuyant, souvent même le scénario se perd par exemple et dit un peu n'importe quoi sans que les pans ne se recoupent très bien plus tard, mais ce n'est pas grave du tout au fond car l'important est de rester liquide en se cantonnant à contredire les thèmes afin de créer un espace-temps qui soit le plus pur possible, ce que le film fait. Alors... 9/10, je dirais.