Le Pouvoir
5.3
Le Pouvoir

Documentaire de Patrick Rotman (2013)

Je suis sorti de la projection perplexe et dépité. Perplexe car les intentions de Patrick Rotman m'ont paru floues pour un résultat peu convaincant, à la limite du contre-productif. Dépité parce que l'image du pouvoir politique y est terriblement banalisée et rabaissée à la mainmise des hommes de communication. Elle n'en sort certes pas grandie ni idéalisée. Plus que l'exercice du pouvoir, le documentariste (qui fabrique pour la première fois son propre matériau et ne travaille pas avec des archives) semble avant tout s'intéresser aux rites engoncés et risibles du protocole. On ne compte plus les ballets de voitures dans la cour du palais présidentiel, les poignées de main (ce qui ne laisse pas de croire que François Hollande n'oublie jamais la caméra qui l'observe), les préparations des tables pour y travailler ou s'y restaurer.

Le film est donc un patchwork de saynètes aussitôt ébauchées aussitôt closes retraçant les sept premiers mois du pouvoir socialiste. Patrick Rotman se défend d'avoir voulu faire un film sur un homme politique en particulier, mais plutôt inscrire son propos dans une registre plus vaste. Toujours est-il que cet éclairage de l'intérieur, saisi sur le vif de l'actualité et donc sans recul, n'apportera pas grand-chose d'inédit. Pire, on est stupéfaits d'entendre la platitude des échanges, la rapidité surprenante, pour ne pas dire la légèreté bonhomme, avec lesquelles sont abordées les différentes questions, alors que les préoccupations majeures se tournent vers l'écriture et le contenu des discours. A contrario, de manière paradoxale, c'est dans les regards acérés que porte le Président sur ses collaborateurs et dans les silences qu'on sent enfin passer un souffle, une ambition, une vision. Dans le deuxième semestre 2012, il a été beaucoup question de la normalité du nouvel élu. Pénétrer à l’Élysée sous les ors rococo et se retrouver au centre de l'activité fourmillante des huissiers (dont certains déjà présents en 1981) tuent dans l’œuf cette sympathique velléité.

Par contre, dans un contraste saisissant avec son prédécesseur, on comprend que François Hollande, qui sait écouter, a parfaitement intégré les missions de sa fonction en s'inscrivant dans une temporalité plus vaste, se faisant fi des réactions à chaud et à l'emporte-pièce. Il n'empêche : tout ceci, trop épars et pas assez fouillé, fait naitre la frustration et le malaise. On espérait côtoyer des hommes d'exception, on ne voit à l'écran que des hommes (et quelques rares femmes) préoccupés des éléments de langage et des plans de communication. C'est sans doute le nouveau visage de la politique, et donc du pouvoir. Pas sûr de le trouver affriolant et séduisant.
PatrickBraganti
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le 15 mai 2013

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