Le Pouvoir
5.3
Le Pouvoir

Documentaire de Patrick Rotman (2013)

Contrairement à ce que le titre indique ce n'est absolument pas un film sur le pouvoir, ce n'est pas un film sur les prises de décisions, sur ce que l'état peut (ce qui est en son pouvoir, littéralement). Non, c'est un film sur le palais de l'Elysée, sur son protocole, et surtout sur ce qui peut se dire en caméra publique.

Le film l'avoue d'emblée, par la voix du président lui-même, le palais peut vite se refermer sur lui même, étouffer dans le protocole celui qui n'y prête pas garde. Protocole qui s'applique évidement au cinéaste, qui filme là où il a le droit, ce qu'il peut. Il y a quelques légères moquerie envers tout ça, autant le sujet le permet. Une énième salade de fruit dressée façon palace repoussée gentiment, l'annonce solennelle du président qui vient de saluer tout le monde dans l'antichambre, les gardes qui restent postés alors qu'il n'y a strictement personne pour les voir.

Mais ce protocole permanent n'est pas qu'un résidu du passé. Plus tard dans le film, c'est encore le président qui l'annonce : il y a un chef, une personne au-dessus des autres. Le protocole permet d'assoir tout ça. Une fois de plus les caméras et le récit ne dérogent pas à la règle. François Hollande raconte ce qu'il veut dans ce film, en voix off entre autre. C'est un des intérêts du film, voir ce qu'il veut montrer. Il veut bien montrer un coiffeur s'occuper de ses cheveux, il veut bien se montrer nul avec le téléphone, il veut bien montrer que son cabinet a peur de regarder la télé assis trop près de lui. Il veut bien montrer ce qu'il ne veut pas montrer surtout : haussement de voix, directives sanglantes, réprimandes. C'est déjà beaucoup quand on y pense.

On pouvait s'attendre à des claquements de portes, des affaires juteuses. Il y en a certainement, ce n'est pas l'objet du film. Mais à quel point ce ton de discours permanent, avec des gens qui sont pourtant des amis, est-il le quotidien ? À quelle point cette façon de ressasser des banalités, avec une certaine verve, est-elle sont arme de prédilection pour tenir ses ministres ? Peut-être plus qu'on ne le pense, plus qu'on ne le désire. Cela nous rappelle en tout cas que le rôle du président est aussi (surtout ?) de représenter, à l'instar de son homologue italien qu'il reçoit qui n'a presque aucun pouvoir, il a toute une coure d'expert pour la technique finalement.

S'opère donc un petit jeu de lecture entre les lignes, de semis aveux sous formes détournées, quitte à ce que le spectateur finisse comme François Damiens dans OSS 177, las, perdu dans les mondanités : «on va se boire un petit coup là ?». La tentative du réalisateur de créer une certaine poétique autours de tout ça ne faisant que renforcer ce sentiment. Ce serait pourtant injuste de dire que ce film est creux, loin s'en faut.
Étienne_B
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le 22 mai 2013

Modifiée

le 22 mai 2013

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Étienne_B

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