Birdman of Alcatraz aborde la détention de son prisonnier comme un prisme pour mieux interroger la liberté et sa signification, l’oiseau sauvé des eaux revenant à terme dans la cellule pour y retrouver son père et seul compagnon de voyage le long de cette longue route qu’est l’existence. Tous les personnages environnant Stroud apparaissent enfermés dans une obsession : Shoemaker s’efforce de prouver sa culpabilité et d’aggraver sa peine, si bien qu’il finit par devenir involontairement un intime, presque un camarade ; la mère remue ciel et terre pour sauver son fils ; Stella s’éprend du détenu au point de passer sa vie à attendre une grâce qui jamais ne viendra ; Stroud lui-même se passionne pour l’ornithologie.
Ce faisant, John Frankenheimer et son scénariste insistent sur la nécessité qu’a l’homme de se consacrer à une tâche comme un capitaine tient le gouvernail de son bateau : passions et obsessions constituent un biais par lequel vivre sa vie en se détournant de la mort. L’humain est un condamné à perpétuité en attente du jugement final qui, il l’espère, le délivrera. La liberté n’est qu’illusoire. Nul hasard, par conséquent, si le long métrage insère la maladie dans les cages de ses oiseaux : chaque décès raccorde Stroud à la finitude de sa condition et le louvoiement incessant avec une mort que chaque jugement peut accélérer. Birdman of Alcatraz articule donc une dénonciation de la séquestration à une réflexion sur la mort en général : l’espace carcéral apparaît tel un mouroir paradoxal qui fait prendre conscience au prisonnier de sa fin pour mieux l’inviter à célébrer chaque jour comme s’il était son dernier.
Frankenheimer, en guise de clausule, oppose le monde de la prison à celui de la télévision, nouveauté qui a vu le jour pendant les décennies de mise au ban de la société dudit prisonnier. Deux mondes en porte-à-faux, le premier révélant l’individu à lui-même, le second le tenant à l’écart par un gavage d’images inertes. Sans d’ailleurs savoir ce qu’est la télévision, Stroud assure, en bon porte-voix du cinéaste, n’avoir rien manqué...
Une œuvre intelligente et forte qui dispose d’une magnifique photographie et d’acteurs magistraux. Un grand film, malgré quelques longueurs.