Ryûhei Kitamure (Versus, Azumi) est venu s’essayer au cinéma US avec le bourrin et fun Midnight Meat Train (2008). Il enchaine quatre ans plus tard avec No One Lives (2012), une nouvelle réussite, puis cinq ans après avec la très efficace série B Downrange (2017). Bien qu’il continue également de tourner au Japon, il semble apprécier le terrain de jeu offert par les États-Unis, réalisant un des segments de l’anthologie Nightmare Cinema (2018) mais en 2020, premier faux-pas, le sincèrement mauvais The Doorman dans lequel Jean Reno est venu cabotiner. Est-ce que son dernier film US en date, The Price We Pay (2022) va remonter le niveau du film précédent ? Une chose est sûre, c’est qu’avec Emile Hirsch (Freaks, Into The Wild), Stephen Dorff (Blade, Somewhere) et Vernon Wells (Mad Max 2, Commando), il s’offre un bien beau casting, ce qui a de quoi mettre en confiance l’amateur de série B. Pourtant, malgré la relative efficacité de l’ensemble et l’envie de Kitamura de proposer de nouveau un spectacle assez méchant, on ne peut s’empêcher de constater que, même s’il est efficace, The Price We Pay sent un peu le réchauffé…
The Price We Pay assume du début à la fin son statut de série B versant dans le thriller horrifique à tendance survival. Tout comme Downrange précédemment, il localise son action dans un coin reculé des Etats-Unis, en plein milieu de nulle part avec des protagonistes principaux qui vont tomber sur des gens sur lesquels il n’aurait pas fallu tomber. Le film démarre sur les chapeaux de roue avec un cambriolage qui tourne mal et qui vire au kidnapping / prise d’otage lors de la fuite des malfrats. Très rapidement, on constate que The Price We Pay va suivre le même schéma qu’Une Nuit en Enfer de Robert Rodriguez, le sérieux de la famille de dégénérés congénitaux qu’ils vont rencontrer dans cette ferme isolée venant remplacer le délire fun des vampires du Titty Twister. Même les personnages semblent se faire écho, le duo Stephen Dorff / Emile Hirsch (et ses petites lunettes) renvoyant à celui interprété par Georges Clooney / quentin Tarantino. Le personnage pris en otage de Gigi Zumbado étant en quelques sortes l’équivalent de celui de Juliette Lewis dans le film de Rodriguez. Le scénario est prévisible et il est assez facile lorsqu’on regarde une scène de deviner la péripétie suivante tant le schéma qu’utilise Kitamura est déjà vu et revu, aussi bien dans la première moitié (où ils trouvent refuge dans cette grange isolée) que dans la seconde virant au torture porn / survival. Mais la mise en scène fait le job. Bien que l’ensemble soit un peu générique malgré tout pour ce genre de production, avec une photographie terne, un éclairage la plupart du temps très faible, Kitamura rajoute par petites doses quelques néons qu’il apprécie énormément pour un rendu un peu supérieur à la normale.
Les personnages sont assez clichés. Dans le groupe de malfrats, on retrouve le personnage qui réfléchit et qui a une morale, le mec un peu fou-fou à la gâchette facile, et la bonne poire un peu idiot. Leur otage, une demoiselle en apparence frêle, va s’avérer bien entendu bien plus forte que prévu. Même chose au niveau de la famille de dégénérés avec l’éternel vieux patriarche posé, réfléchi, le jeune garçon pas encore très sûr des agissements de sa famille, et la colosse défigurée pour la force brute du groupe. Oui, là non plus on n’est pas dans l’originalité car Kitamura cherche juste l’efficacité. Il a par contre un peu de mal à faire ressentir le danger de la situation, là où il y arrivait très bien dans certains autres de ses films, non pas que la situation dans laquelle se trouvent les personnages ne soit pas dangereuse, mais l’écriture des personnages en question n’est pas forcément des meilleure, au point que même la jolie otage des braqueurs ne nous fait ressentir que peu de sympathie pour elle. Le personnage le plus attachant se trouve du côté de la famille de rednecks, le petit fils, même si on a parfois envie de lui donner des claques pour qu’il réagisse. On retrouve dans The Price We Pay une fois de plus l’amour de Kitamura pour le gore, le méchant, et son envie de montrer des scènes qui font mal, comme lorsqu’un des personnages se fait retirer à vif, en gros plan, une balle de la jambe. Mais ça c’est le plus soft. Lorsqu’arrive la famille de dégénérés entre dans la course, c’est des gros plans sur un corps en train d’être « opéré », toutes viscères à l’air, des gorges tranchées avec vidage de sang à la clé, ou un personnage qu’on fait se battre après avoir été énucléé. A mi-film, The Price We Pay devient extrêmement violent et, comme à son habitude, Kitamura se lâche en ne se donnant que peu de limites jusqu’à un final complètement jouissif pour qui aime un tant soit peu le gore et relevant à lui seul d’un point la note du film. Certes, le sang numérique assez présent vient un peu gâcher la fête, mais le côté sale et méchant reste malgré tout bien là.
Bien qu’inférieur à Midnight Meat Train, No One Lives ou Downrange, The Price We Pay du japonais Ryûhei Kitamura propose un divertissant gore et méchant, certes trop classique dans sa construction, son scénario et ses personnages, mais néanmoins sympathique.
Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-the-price-we-pay-de-ryuhei-kitamura-2022/