Peck s'y trompe
Poursuivant avec une ardeur quasi-obsessionnelle ma découverte de la filmographie hitchcockienne, j'ai hésité, je dois l'avouer, à me pencher sur le cas du Procès Paradine. Souffrant ici d'une...
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Poursuivant avec une ardeur quasi-obsessionnelle ma découverte de la filmographie hitchcockienne, j'ai hésité, je dois l'avouer, à me pencher sur le cas du Procès Paradine. Souffrant ici d'une réputation mitigée (sa note est inférieure à celle d'une bouse comme Deadpool, par exemple...), cette ultime collaboration entre Alfred Hitchcock et David O. Selznick porterait en outre les stigmates infamantes de l’ingérence du producteur dans le travail du réalisateur. Mais, aguiché par la présence au générique de Gregory Peck - un acteur qui ne m'a jamais déçu - et animé par mon amour du travail bien fait, je me suis néanmoins attelé à la tâche. Grand bien m'en a pris, car j'ai découvert, si ce n'est un chef-d'œuvre, du moins un excellent film.
Sorti le dernier jour de l'année 1947, The Paradine Case est déjà le 14e film américain du Maître du suspense, débarqué pourtant huit ans plus tôt à peine. Il met en scène le procès de la jeune Maddalena Paradine (Alida Valli), accusée d'avoir empoisonné son mari, un vieux colonel riche et aveugle. L'éminent avocat Anthony Keane (Gregory Peck) est recruté pour assurer sa défense, mais se retrouve rapidement ralenti par son manque de coopération. Fasciné par le charme magnétique de la veuve, le ténor du barreau s'investit corps et âme dans cette affaire, au risque de faire voler en éclats son propre mariage. Pour prouver l'innocence de sa cliente, dont il est persuadé, il choisit d'orienter sa plaidoirie sur le rôle joué par le valet du colonel, le jeune André Latour (Louis Jourdan), que Maddalena semble protéger, mais que celui-ci avoue détester... De faux témoignages en confessions arrachées à coup de questions insidieuses, le procès accouchera d'une vérité inattendue, mais aussi de la mort d'un protagoniste, signant ainsi la déchéance de Me Keane...
Plus que le côté purement judiciaire de l'intrigue, plus même que la résolution du crime, le principal intérêt du film réside dans la description méticuleusement effrayante de la descente aux Enfers de l'avocat. Aveuglé par son désir pour Mrs Paradine, cet homme pourtant droit, intelligent et bon se fourvoie, abandonnant peu à peu son éthique et sa morale malgré les mises en garde bienveillantes de ses proches. Son obstination à sauver Maddalena finira par se retourner contre lui, le laissant brisé professionnellement et personnellement. Seule la clairvoyance de sa femme, la douce Gay, lui offrira in fine une chance de salut.
Au-delà de cet aspect psychologique assez captivant, le film mérite aussi d'être vu pour ses acteurs, globalement excellents. Aux côtés de Peck, qui livre ici - comme à son habitude - une prestation vraiment remarquable, les seconds rôles sont très bons : Charles Laughton en vieux juge cynique et dégueulasse, Charles Coburn en avocat de famille débonnaire, Louis Jourdan en jeune homme hanté par ses démons, et une Anne Todd aussi compréhensive et aimante qu'Alida Valli est dissimulatrice et vénéneuse. Qu'importe, donc, la proportion de Selznick qu'il peut y avoir dans ce Hitchcock : Le Procès Paradine ne dépareille en aucun cas dans la filmographie du Maître.
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le 3 mai 2017
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