Bien des réalisateurs se sont essayés à filmer le rêve mais nombres d'entre-eux, si ce n'est tous, se sont cantonnés à la mise en forme d'une réalité parallèle répondant à des caractéristiques similaires, comme pour installer le spectateur dans des repères qui ne seraient que modifiés pour produire l'illusion. Insuffisant. Le dessin de Petrov quant à lui — véritable miracle, une fois animé — semble épouser l'inconstance propre au rêve. Comme les images que l'on perçoit une fois endormi, ce chef d'oeuvre est instable et chancelant, comme un mirage insaisissable — la flamme de la bougie qui vacille. Mais au delà d'une perfection visuelle située entre rigueur dans le trait et inventivité de l'animation, c'est dans la manière qu'à Petrov de peindre l'inconscient qu'on perçoit le génie. The Dream of a Ridiculous Man est une catharsis, des échos intimes de mémoire qui croisent les mythes antiques, du pêché originel au fantasme du monde des morts, la psychanalyse est ici à l'état d'art. Sans entrer dans un exercice trop intellectualisant pour autant Petrov tend la profondeur du rêve à la portée de notre éveil, le final déchirant saisi cet homme "ridicule" en proie au plus effroyable des doutes : est-il responsable de la fin de la (sa?) joie de vivre ou l'a-t-il seulement rêvé ? Peu importe, le monde se meurt, avec ou sans lui.
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