L'histoire est toujours autant nébuleuse pour ne pas dire abstraite mais Bellocchio a la bonne idée de tirer son récit vers la fable et l'allégorie en piochant dans la mythologie grecque et biblique. Et surtout, la réalisation est autrement plus maîtrisée que durant les 80's avec une photo par moment somptueuse (avec un clair obscur de toute beauté), une plus grande variété au sens du cadre et une caméra plus lyrique pour quelques moments de grâces.
Après, ça demeure profondément inégal avec en particulier un tiers central assez plombant. Mais la première demi-heure et surtout le dernier quart sont autrement plus convainquant.
Le début est assez intriguant avec une mise en place qui multiplie les personnages secondaires (dont certains ne feront que passer - cf le metteur en scène) pour dresser un portrait en creux d'un personnage mutique mais dont tout le monde parle pour dire au final qu'ils ne savent pas comment raconter son histoire puisque son Geste appartient à la poésie et à l'absence du Verbe. Il y alors une atmosphère flottante éthérée, proche en effet du songe qui maintient l'intérêt.
Le partie centrale souffre d'un sur-place narratif, un peu paralysé par un scénario qui ne sait pas vraiment quoi faire de son sujet et de son personnage avant que l'ultime acte fonce à fond dans la parabole et le symbolisme pour une poignée de séquence assez marquante qui m'ont fait un peu penser à du Pasolini (c'est surtout une intuition puisque je connais assez mal son cinéma, qui me laisse de marbre par ailleurs) : visite qui chez une ermite coupée du monde (une dame âgée) qui accepte le silence du couple tout en servant d'oracle, pèlerinage dans une sorte de cour des miracles, cène revu à un plus petit niveau, tremblement de terre et destruction à la Sodome et Gomor, déambulation dans une caverne façon Orphée et Eurydice. Et bien-sûr une figure quasi Christique avec cet homme qui s'impose une sorte de martyr (ou d'ascétises) pour s'opposer à la vacuité et l'hypocrisie verbale de ses contemporains.
Ce sont dans ces moments où la réalisation de Bellocchio est la plus réussie avec quelques effets de style inspirés.