Repérant un rôdeur qui l'épie par la fenêtre, Susan Gilvray appelle immédiatement la police. Arrive alors sur les lieux Webb Garwood, un officier qui va s'éprendre de la belle. Hélas, celle-ci est déjà mariée...


Sorti en 1951, Le Rôdeur fait partie de ces nombreux films noirs oubliés par le public. Pourtant, il serait dommage de passer à côté d'un tel bijou arborant tant de noirceur et de génie dans sa réalisation. L'intrigue nous propose de suivre Web Garwood, une crapule finie n'ayant aucune estime pour son badge de policier. Irrépressiblement attiré par Susan Gilvray et la fortune de son époux, il va se mettre à roder dans les parages et à venir tous les soirs rendre visite à la belle qui finira par tomber sous son charme. Ayant gagné les faveurs de celle-ci, il ne lui restera alors plus qu'à éliminer l'époux encombrant.


Au final, Garwood se révèle donc bien plus dangereux et pervers que le rôdeur initial. Cependant, nous ne pouvons le juger trop durement car, comme lui, nous avons également ce côté voyeur et rôdeur en nous. En effet, nous aimons nous immiscer dans la vie des autres. La toute première scène du film l'illustre magnifiquement bien. La caméra (le prolongement de notre oeil) observe la fenêtre de la salle de bain pendant que Susan entre dans ladite pièce et commence à se déshabiller. Croisant notre regard, elle hurle et ferme les rideaux. Ici, le voyeur, c'est nous. Cette séquence de quelques secondes est, en quelque sorte, annonciatrice du génial Fenêtre sur Cour de Hitchcock qui sortira trois ans plus tard. Et durant tout le film, de superbes idées de mise en scène de ce genre fusent dans tous les sens. L'une des meilleures est d'avoir fait du mari de Susan un disc-jockey animant une émission radio durant toute la nuit. Sans jamais le voir, nous pouvons tout de même ressentir la présence de celui-ci à travers sa voix qui est relayée par la radio et qui pèse sur la relation entre les deux amants. De fait, ces derniers discutent avec, en bruit de fond, la parole du mari qui semble parfois prendre part à leur conversation.


Mais le tour de force du film survient vers la moitié de son intrigue. Alors que Le Rôdeur semblait marcher sur les traces d'autres longs-métrages tels qu'Assurance sur la Mort, il change subitement de ton et bascule vers le drame avec une critique sous-jacente du rêve américain, de son mode de vie et de ses moeurs. En effet, étant parvenu, grâce à ses actions douteuses, à obtenir une femme et une activité prospère, Webb pense avoir réussi sa vie. Mais les ténèbres fondatrices sur lesquelles repose sa réussite ne font que s'étendre et le consumer. Au final, le fameux American Dream a un prix très lourd à payer et a tendance à transformer les personnes voulant l'atteindre en arrivistes extrêmes. Cela est d'ailleurs fort bien résumé dans l'une des tirades finales du film.


Lors de sa sortie, Le Rôdeur fut plutôt mal accueilli, celui-ci étant perçu comme véhiculant des valeurs anti-américaines. Le réalisateur Joseph Lovey finit d'ailleurs par être considéré comme un sympathisant communiste et fut mis sur la liste noire. Il fut alors contraint de s'exiler d'Hollywood pour continuer une carrière (prolifique) en Angleterre.


Bref, avec sa mise en scène foisonnante d'idées et ses riches thématiques, Le Rôdeur s'impose sans conteste comme un monument du film noir.

Watchsky
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le 7 févr. 2016

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