C'est un peu moche de vieillir.
Non seulement pour les responsabilités et tout ce qui s'ensuit, mais aussi parce qu'on perd notre capacité à apprécier pleinement certaines choses. Petite fille, j'adorais "Le Roi Lion". Aujourd'hui, je vois toute sa morale problématique m'éclater en pleine figure.
Déjà, pourquoi est-ce que les hyènes sont exclues du "cycle de la vie", que Mufasa aime tant ressasser ? Ce sont des créatures vivantes, qui participent aussi au bon fonctionnement du cycle, au même titre que les autres. Est-ce parce qu'elles sont "moches" qu'elles sont les ennemis ? De grands carnivores et qu'elles entrent en conflit avec les lions ? Mais est-ce qu'elles ne souhaitent pas simplement la même chose que les autres, c'est-à-dire de la nourriture en suffisance ? Pourquoi leur refuser, sur quelle base ?
Puis qu'est-ce qui donne le droit aux lions de se placer au-dessus des autres ? Ca n'a déjà pas beaucoup de sens chez les humains, ça en a encore moins chez les animaux, surtout que des animaux comme les éléphants sont bien plus majestueux et puissants que les grands félins, si ça tourne au rapport de force.
Nala qui est forcément la demi-soeur de Simba, puisqu'il n'y a qu'un lion mâle à première vue dans le groupe, ça met mal à l'aise pour la chanson romantique une fois qu'on en est conscient.
Le pays qui devient tout sombre et sec dès que Scar prend le pouvoir, heu, pourquoi ? Est-ce qu'il est sous-entendu que l'introduction des hyènes dans le cycle crée un problème de balance, au point d'assécher les rivières ? Surtout qu'elles ne doivent pas être plus vorace que les lions ou les autres grands carnivores de la savane. Ce n'est pas comme si elles tentaient d'imposer un régime politique différent de celui des lions.
Puis Simba, ce n'est pas un héros vraiment si sympathique. Cabotin quand il est jeune, geignard quand il est plus grand. J'avais déjà un peu de mal quand j'étais jeune sans mettre le doigt dessus, mais je le trouve un peu insupportable. Ca pose évidemment problème quand est sensé y voir le héros qui vient rétablir l'équilibre. Je comprends bien aussi qu'il a été traumatisé par la mort de son père, mais il n'était en rien responsable de sa mort, et je ne comprends pas pourquoi il pense ainsi.
Si encore il s'était aventuré malgré les avertissements de Mufasa dans un lieu dangereux, et que ça avait mené à sa mort, là oui, ok, je comprendrais. Mais ici, Simba n'a honnêtement rien à se reprocher. Il aurait dû se mettre en colère contre Scar, au contraire, qui lui a dit d'attendre à cet endroit. Puis le plan de Scar, c'est assez... bancal ? Simba aurait bien pu mourir avant que Mufasa ne l'atteigne, et Scar n'aurait pas été plus proche de la couronne dans l'immédiat.
Mufasa, c'est pareil, je le trouve... hautain, et c'est peut-être pourquoi déjà à l'époque, sa mort ne m'avait pas dévastée. Mais c'est aussi parce que mes rapports parentaux étaient loin d'être fort, donc je ne me suis pas sentie dévastée à m'imaginer la mort du père. J'imagine bien par contre quand on a rapport de ce type plus fort, ce genre de choses résonne beaucoup plus fort.
Par contre, je suivrais volontiers un film avec Rafiki.
Il y a un manichéisme déplaisant dans le film, et une fois qu'on l'a vu, c'est difficile d'en faire abstraction. Je n'arrive plus à apprécier cette histoire comme jadis, et ce n'est pas une mauvaise chose en soi, mais c'est toujours un peu triste, cette perte de l'innocence. Je remets trop cet univers en question pour simplement l'apprécier.
Même les chansons, je les trouve moins marquantes de manière générale. Pas qu'elles soient mauvaises, mais ce qu'elles expriment ne me parlent plus. Elles sont joyeuses et entraînantes (même celle de Scar), mais j'ai l'impression qu'elles s'intègrent néanmoins moins bien que dans mon souvenir dans l'histoire globale. La chanson romantique notamment, tombe un peu comme un cheveu sur la soupe à bien y réfléchir.
Même jeune, je me rends compte, ce que j'aimais surtout dans la musique, c'était la bande originale.
Qu'est-ce qu'il me reste de ce film, en réalité ? Des superbes décors, quelques persos sympas (Rafiki, Timon et Pumba, et mêmes les trois hyènes), et surtout et avant tout, les incroyables compositions de Hanz Zimmer, qui me donnent encore des frissons, notamment celle de l'ascension de Simba à la fin.
"Le Roi Lion" se révèle ainsi une déception à plusieurs niveaux, et pourtant, je ne suis pas triste, parce que beaucoup d'autres films que je n'avais pas su apprécié dans ma jeunesse résonnent aujourd'hui dans mon coeur.
C'est simplement le cycle... de la vie.