Ce n’est un secret pour personne, la performance technologique est devenu le pitch principal des blockbusters : alors que Cameron prépare depuis dix ans le retour d’Avatar qui franchit un pallier important dans les prouesses de la CGI, Disney lifte sont catalogue des grands classiques à la sauce pixel. Les parents sont contents du souvenir, les petits prennent l’air du temps, les esprits chagrins chantent avec Cabrel que c’était mieux avant.
Après Le livre de la jungle, John Favreau se retrouve à la tête d’un morceau de choix : Le Roi Lion est probablement l’un des plus grands films d’animation des studios Disney, et on ne pouvait de toute façon pas éviter son retour sur les écrans.
Force est de reconnaître que sur le plan technique, le film est un éblouissement : le rendu est sublime, des pelages aux éléments comme l’eau ou le sable, de la mobilité des animaux à leurs caractéristiques, la frontière s’amenuise encore entre la réalité et la CGI. La séquence d’ouverture est ainsi une éclatante reprise de l’original où le spectacle prend une dimension proprement grandiose.
Le parti pris de cet ultra réalisme a cependant des limites presque inattendues pour un tel projet : immergés dans cet univers photoréalisme, on s’en trouve surpris de voir les animaux se voir doués de la parole. Alors que l’anthropomorphisme n’a jamais posé problème dans les dessins animés, où les animaux souriaient et pleuraient par exemple, la greffe a plus de mal à prendre ici tant les bêtes semblent appartenir à un documentaire animalier. Les chansons seront évidemment les moments les plus gênants, d’autant que, faute de choix, j’ai été contraint de voir l’horrible VF qui a achevé de gâcher l’ambiance, dans laquelle Jamel Debbouze a néanmoins ravi les marmots dans son rôle de suricate.
Il n’empêche : cette alliance nouvelle entre un conte anthropomorphe et l’ultra-réalisme fonctionne bien mieux que pour le Livre de la Jungle, pour une raison très simple : le récit n’est pas du même acabit. Revoir aujourd’hui Le Roi Lion permet de déterminer un souffle qu’on a rarement trouvé dans les autres récits de Disney. Car, mise à part ce don de la parole, nulle place accordée à la magie traditionnelle des studios (pour s’en convaincre, la bande annonce de La Reine des Neiges 2 en préambule nous rappellera la ligne éditoriale) ici : à l’inverse du nouvel Aladdin encore dans les salles, la CGI n’est pas le prétexte à des cascades d’effets, de couleurs et de kitsch.
Le récit se suffit en réalité à lui-même et contient tous les éléments du mythe. Véritable tragédie shakespearienne, Le Roi Lion explore ces questions essentielles du rapport au pouvoir, du mensonge, de la trahison, du rôle à jouer et de la tentative de s’extraire du monde pour répondre au trauma des origines. S’ajoute, en filigrane, cette notion d’équilibre et d’écosystème (notamment à la faveur d’une belle séquence muette d’un trajet d’une touffe de poils dans la savane) qui prend évidemment une certaine résonance dans notre actualité quasi apocalyptique.
Ce canevas fondateur justifie qu’on réécrive Le Roi Lion. Le plaisir graphique de la prouesse de cette mise à jour ajoutera à l’émerveillement ; et si l’émotion de l’original semble perdue, c’est surtout à notre enfance qu’on la devait. On peut en garder le souvenir sans renoncer à la grandeur d’un mythe dont la force est d’être voué à l’éternelle répétition.