Projet de seconde zone pour Walt Disney Feature Animation depuis 1988 et rafistolé dans tous les sens, Le Roi Lion devait à l’origine passer après Pocahontas, une légende indienne, le staff de la société aux grandes oreilles considérant qu’il n’y avait rien d’attirant dans ce plan. On ne pouvait plus se tromper sur le lien émotionnel indestructible qu’allait développer la planète avec Le Roi Lion. Pulvérisant tous les records et atteignant des sommets dans le cœur du public, le dessin animé entra de suite dans l’Histoire comme s’il y était destiné.
Cet attachement est le fruit de travailleurs passionnés ayant crû jusqu’au bout au message qu’ils ont voulu transmettre. Il y a cette balance juste entre l’apaisement et la frayeur. L’introduction promet un avenir radieux pour la famille royale et son domaine avant la désobéissance du lionceau révélant la menace qui plane sur la Savane. Lorsqu’un regain d’espoir nous soulage avec la réconciliation du fils et du père, ce dernier meurt laissant sa terre natale se détruire et son petit perdu. Lorsque les deux sidekicks détendent l’atmosphère et nous mettent à l’écart de ce qui se passe au-delà de leur coin de paradis, le passé du héros le rattrape le forçant à revenir constater la mort qui guette son royaume (son retour est plus choquant à la seconde vision, notre regard ne se portant plus sur le terrain désertique mais sur le sol couvert de cadavres et de squelettes, morbide peut-on le dire).
Au cœur du Roi Lion se trouve sa maîtrise narrative. Nulle trace ou mention de l’être humain, aucun repère temporel, océans et mers invisibles. La Terre des Lions ne semble avoir aucune limite territoriale, chaque parcelle se raccroche à une autre. Chaque élément semble être englobé dans un tout. Le film débute sur une naissance et s’achève sur une naissance. Quelque part, Le Roi Lion se dresse fièrement comme l’héritier de Bambi. Pas uniquement par la mort de la figure parentale mais par la leçon de vie qu’il adresse au public. Il assume la transition à un autre âge et fait évoluer la perception que nous avons d’un écosystème en le transformant en une hiérarchie.
Chaque personnage a sa façon de bouger, ses marques, son langage spécial, ils ont l’air d’avoir tous une histoire, d’exister au sein d’un univers de longue date. Comment Scar a-t-il eu ses cicatrices? Rafiki descend-il d’une lignée devant protéger les héritiers depuis toujours? Le Roi Lion fait travailler notre imagination, il présente un large panel de races dont le mode de vie et les relations nous attraient.
Ce monde est plein de noblesse, de grandeur, pas juste par la taille des dessins mais dans sa façon de raconter cette fable. Car c’est un scénario adulte qui demande aux enfants de mûrir, qui les met face à la mort, qui les bloque dans des impasses. C’est colossal à regarder. Les scènes fortes sont trop nombreuses à compter entre l’ouverture époustouflante, l’apparition céleste de Mufasa, la mort de ce dernier ou évidemment tous les passages musicaux bénéficiant du talent inné d’Hans Zimmer et d’Elton John.
Bien sûr, la perfection n’existe pas. Le Roi Lion a quelques problèmes. Son climax, bien que prenant, est un peu vite expédié une fois la bataille commencée et manque de clarté (Le sort des hyènes passé sous silence). Aussi, Timon et Pumbaa prennent parfois un peu trop de place pour amuser les enfants malgré l’efficacité de leur duo. C’est peut-être lorsqu’ils sont à l’écran que nous sommes moins pris dans l’action.
Le Roi Lion est tombé au bon moment. Jamais avant lui un film d’animation ne nous avait fait découvrir l’Afrique sous ce tout nouvel angle. Par son histoire intemporelle et ses thèmes universels, l’œuvre de Rob Minkoff et Roger Allers a eu un pouvoir sur nous, un pouvoir d’absorption. À jamais un grand film d’une ampleur et d’une démesure incomparable qui vivra de génération en génération.