Le récit d’une voix.
Ma rencontre avec Sacha Guitry restera un moment particulier. Lorsqu’on se met devant un film de 1936, on a certaines attentes, ou, devrait-on dire, certaines indulgences quant aux limites de l’art...
le 3 déc. 2013
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Peu de choses sont attirantes au premier abord dans ce "théâtre filmé amélioré" que nous propose Sacha Guitry. D’abord la voix particulière du maître, ses intonations de présentateur d’actualités des années 30, son côté vieille France, has been depuis plus d’un demi-siècle et qui reste un obstacle difficilement surmontable. Et bien qu’il y ait des scènes pour respirer un peu, le ramage de notre oiseau caustique écorche nos délicates oreilles pour près de 80 minutes. Ensuite il faut savoir supporter le propos égocentrique et vaniteux, en apparence du moins, le fameux Moâ guytrien que le critique François Truffaut avait pris pour l’invention de la voix-off.
De plus comme il avait été choyé par les occupants allemands, après la guerre le nom de Guitry était habituellement toujours précédé du qualificatif de facho. Car du fait des caprices de l’histoire, ce « facho de Guitry », homme anti-conformiste s’il en était, s’était fait emprisonner en tant que collabo à la Libération pour le seul motif politique de n’avoir jamais voulu faire de politique, ce qui aurait pu lui donner matière à de bons mots, mais lui donna plutôt matière à du ressentiment, sachant que les méfaits de cette calomnie seraient restés gravés dans les têtes embrigadées bien des années plus tard.
Mais c’est paradoxalement cette mise à l’écart qui contribue à faire des films de Guitry des classiques indémodables qui auraient eu sans cela toutes les chances de rester inconnus. Car le tribunal du Temps a fait patiemment œuvre de réhabilitation. J’ai pu alors apprécier dans cette nouveauté filmique un festival d’ironie joyeuse, de traits d’esprits réjouissants, de désinvolture caustique, doublés d’une mécanique précise dans le champ/contrechamp ou dans l'insertion d'images d'archives.
Et contrairement aux idées reçues, parler à la première personne n’est pas un signe de vanité, c’est un signe d’humilité au cinéma. En se mettant en scène l’auteur accepte la volée de critiques qui ne manqueront pas de l’atteindre au plus profond de son for-intérieur en retour de ses introspections désintéressées, humoristiques et sincères.
Cette humble confession mi-réelle, mi-imaginaire a donc été pour moi une découverte inattendue bien qu’un peu tardive. Allez, comme je ne suis pas rancunier, je propose à tous ceux qui n’aiment pas le film de déguster un bon plat de champignons!
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Créée
le 31 mars 2020
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