Magie fondatrice

Si le cinéma, dès Méliès, fut considéré comme un support particulièrement efficace de la prestidigitation, c’est parce qu’il permettait un spectacle nouveau fondé sur l’absence de contrainte de la performance en direct. Par l’art du montage, tout devenait possible : rien de plus facile que de faire disparaitre instantanément un personnage…et la possibilité de donner du mouvement à l’inerte se révélait particulièrement fertile.
Ce film de marionnettes est fondateur dans le domaine, sur le même principe que les chefs d’œuvres en pâte à modeler des créateurs de Wallace et Gromit, à la différence que nous sommes dans les années 30 est que tout est à inventer.

A la différence près que nous sommes dans les années 30 et que tout EST inventé.

On ne peut que tarir d’éloge sur le travail d’orfèvre des créateurs : visages, respiration, expression, gestuelle, tout est réglé et contribue à merveille à l’animation. Non contents de donner vie à toute la galerie d’animaux des récits médiévaux, une attention est portée à l’intégralité de l’univers visuel : chaque détail, des objets aux costumes, fait l’objet de la même rigueur, jusqu’aux plans d’ensemble et aux scènes collectives, d’une richesse impressionnante.

On peut certes ressentir le gouffre temporel qui nous éloigne de l’œuvre par le travail sur le son, assez difficile dans le mixage entre musique et voix, et une gestion du rythme, surtout au départ, un peu distendu.
Mais ces éléments s’oublient rapidement, et le film gagne en intensité jusqu’au final, proprement épique, de l’assaut du château, morceau de bravoure de ce chef-d’œuvre : d’une inventivité constante, il met le renard en position de force, du haut de son château, à la tête d’une machinerie savante, concrétisation visuelle de sa ruse légendaire. Manettes, portes dérobées, glissoires, poutrelles, la forteresse labyrinthique se meut au gré de ses astuces, métaphore judicieuse du travail des créateurs eux-mêmes, grand magiciens que le spectateur couronnera lui aussi, à l’instar du Lion, comme grands vainqueurs de nos illusions émerveillées.