Académique

Extrêmement difficile d'adapter un grand livre au cinéma. Plus il est littéraire, plus le projet est vain, c'est pourquoi j'ai toujours fui les adaptations de La Recherche.

Ici, le pari est en partie gagné. Plutôt que de se montrer exhaustif, le film s'attarde sur quelques moments, et les ellipses, nombreuses, fonctionnent plutôt bien. J'ai été gêné par la rapidité avec laquelle Julien prend la main de Mme de Rênal (qu'il nomme sans cesse "Louise", ce qu'il ne fait jamais dans le roman : on apprend son prénom par son mari, qui le prononce une seule fois) : le roman préparait lentement à cette première victoire.

Les décors "carton pâte" m'ont aussi gêné, surtout les extérieurs - mais aussi la réutilisation du hall de l'hôtel de La Mole pour faire celui de de Croisenois, en ajoutant simplement une statue... un peu léger. Les acteurs ? Gérard Philippe est crédible malgré ses 30 ans et il incarne très bien le personnage et ses ambiguïtés (pour moi, il ne s'agit pas du tout d'un simple arriviste froid et cynique, d'ailleurs Stendhal se projetait en lui). Danielle Darrieux est magnifique. Les autres ne sont hélas pas tous au diapason : Jean Martinelli campe un de Rênal caricatural, dont les colères sont très "jouées" ; Antonella Lualdi est souvent ridicule (exemple, quand elle feint l'indifférence en passant dans la bibliothèque la première fois où elle voit Julien), et pas du tout attachante.

Enfin, la mise en scène et la prise de vue sont quand même très très académiques : on comprend le déchaînement de la Nouvelle Vague, qui voulait secouer le cocotier !

Restent les regards dans le vide ou noyés de larmes de Danielle Darrieux : cela n'appartient pas au roman, c'est le cadeau du film. À part ça, on peut se demander quel est l'intérêt de ce genre de projet, tant le livre est plus riche...

Du même auteur, préfèrez à cette adaptation gentillette - dont les 3h passent finalement assez vite, c'est à mettre à son crédit - L'Auberge Rouge ou La Traversée de Paris.