Paradjanov (je ne sais pas pourquoi, je disais Parajdanov) est un artiste ukrainien choisi pour faire "les chevaux de feu". Il se sépare d'avec sa femme, évite un duel, est accusé d'homosexualité et soupçonné de nationalisme ukrainien (donc antisoviétique). Il part en Arménie (il est d'origine arménienne, né à Tbilissi) faire un film, mais ses exigences en terme de déco compliquent le script, et le pouvoir demande à voir les 5 h de rush avant quelque distribution que ce soit. Quand le fils d'un cadre du parti qu'il avait fréquenté se suicide, il est emprisonné pour homosexualité. Apprend qu'en Europe, Godard and co se mobilisent pour lui. Sort de prison, retourne s'installer à Tbilissi, vivant comme un inconnu, un original. Mastroianni vient lui passer le bonjour. On revient le chercher pour tourner un film historique, mais après 15 ans sans tourner, c'est un four. Enfin, Beaubourg organise un hommage et il obtient de tourner à nouveau.
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Alors techniquement, je dis chapeau. C'est académique, mais c'est solide. Les couleurs, les lumières sont fort belles, une sorte d'entre-deux entre réalisme et onirisme. Et les cadres sont très étudiés. Et c'est une belle idée de filmer le réalisateur en train de recréer des plans connus de son oeuvre. "Le scandale Paradjanov" a d'ailleurs été coréalisé par l'acteur-star, qui signe une belle performance, son corps se transformant, du gros rigolard au détenu renfermé en passant par le vieillard rêveur et irascible de la fin.
Et puis ne soyons pas injuste : il y a de l'audace. Un peu. Les cauchemars en accéléré que fait l'auteur dans des situations d'angoisse, idée hélas abandonnée en cours de film. Bon, la séquence avec le pseudo-Mastroianni ne fonctionne pas à 100%, et les saynettes de la prison manquent un peu d'idée. Et surtout, il y a ces photos officielles dans lesquelles le personnage, trublion, se démène, montant sur les épaules de Brejnev, faisant le chef d'orchestre. Très belle idée, il en aurait fallu d'autres et on aurait eu un film vraiment original.
Mais le reste du film reprend chronologiquement, et on sent que parfois l'auteur n'a pas dit tout ce qu'il aurait voulu, qu'il condence.Surtout, le film ne pose pas vraiment la question de l'originalité de Paradjanov, sauf concernant son rapport au folklore ukrainien, qui a été ici beaucoup accentué (peut-être à cause du contexte actuel ?). En fait, pour quelqu'un qui ne connaîtrait pas "les chevaux de feu", on a plutôt l'impression d'un hableur, d'un extraterrestre faiseur qui crie partout qu'il est un génie mais ne fait pas grand-chose. Ambiguïté intéressante, mais il aurait été bon d'aller un peu plus loin dans le processus de création.
Ce film éveille la curiosité sur Paradjanov, et c'est bien. Enfin vu le nombre de gens qu'il y avait dans la salle à l'Espace Saint-Michel, ça va encore prendre du temps pour faire connaître cette oeuvre, mais bon.
Ce n'est pas un mauvais film, loin de là, c'est plaisant mais on en ressort avec de l'insatisfaction. Au moins ça amène à se poser des questions.