Si le sujet de "Brokeback Mountain" n'est pas a priori des plus engageants (l'homosexualité chez les cowboys paraissant avoir été traitée suffisamment en filigrane dans les classiques), la rencontre avec le film de Ang Lee s'avère un grand choc émotionnel : c'est qu'on a affaire, contre toute attente, à un bouleversant mélodrame, une grande histoire d'amour dans laquelle l'homosexualité ne s'avère pas le sujet du film, mais bien l'élément d'empêchement crédible. On oublie vite la singularité de cette passion interdite - filmée avec sobriété, âpreté même par un Ang Lee qui cherche systématiquement le discours minimum, à l'image de ses deux héros "taiseux" - pour ne ressentir que l'atroce douleur du manque de l'autre. Comme les acteurs sont "en état de grâce", jouant très loin des clichés qui les guettaient, on pardonnera même au film une légère tendance à la belle image, qui, si elle n'est pas totalement gratuite, tient quand même de la convention. [Critique écrite en 2006]